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La vieille lady était en ce moment dans une posture pleine de grandeur, car elle était assise au haut bout de la table, dans sa robe de brocart, ayant la nouvelle mariée d’un côté et M. Pickwick de l’autre, pour découper. M. Pickwick n’avait pas parlé très-haut, mais elle l’entendit du premier coup, et but un verre de vin tout entier à sa longue vie et à son bonheur. Ensuite la bonne vieille créature se lança dans un récit circonstancié de son propre mariage, accompagné d’une dissertation sur la mode des talons hauts, et de quelques particularités concernant la vie et les aventures de la charmante lady Tollimglower, décédée. À chaque pose de son récit, la vieille dame riait de tout son cœur, et les jeunes ladies en faisaient autant ; puis elles se demandaient entre elles de quoi leur grand’maman pouvait parler si longtemps. Or, quand les jeunes ladies riaient, la vieille dame éclatait dix fois plus fort, et déclarait que son histoire avait toujours été regardée comme excellente ; ce qui faisait rire de nouveau tout le monde, et inspirait à la vieille dame la meilleure humeur possible.

Cependant le fameux plum-cake, le gâteau de noce, fut découpé et circula autour de la table. Les jeunes demoiselles en gardèrent des morceaux, pour mettre sous leur traversin et rêver de leur futur époux, ce qui occasionna une grande quantité de rougeurs et d’éclats de rire.

« Monsieur Miller, un verre de vin, dit M. Pickwick à sa vieille connaissance, le gentleman dont la tête ressemblait à une pomme de reinette.

— Avec grande satisfaction, monsieur, répondit celui-ci d’un air solennel.

— Vous me permettrez d’en être, dit le vieil ecclésiastique bénévole.

— Et à moi aussi, ajouta sa femme.

— Et à moi aussi, et à moi aussi, » répétèrent du bas de la table une couple de parents pauvres, qui avaient bu et mangé de tout leur cœur, et qui s’empressaient de rire à tout ce qui se disait.

M. Pickwick, dont les yeux rayonnaient de bienveillance et de plaisir, exprima son intime satisfaction à chaque addition nouvelle. Ensuite, se levant tout d’un coup :

« Ladies et gentlemen, dit-il.

— Écoutez ! écoutez ! écoutez ! écoutez ! écoutez ! écoutez ! cria Sam, emporté par l’exaltation du moment.

— Faites entrer tous les domestiques, dit le vieux Wardle