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même temps il lui jeta autour du cou une riche chaîne d’or, avec une montre du même métal, qui n’avaient été vues auparavant par les yeux d’aucun mortel, excepté ceux du joaillier. Enfin les cloches de la vieille église sonnèrent aussi gaiement qu’elles le purent, et tout le monde s’en retourna déjeuner.

« Où les petits pâtés de Noël se placent-ils, jeune mangeur d’opium ? demanda Sam au gros joufflu, en aidant cet intéressant fonctionnaire à mettre sur la table les articles de consommation qui n’avaient point été arrangés le soir précédent.

Joe indiqua la destination des pâtés.

« Très-bien ! dit Sam : Mettez un rameau de Noël dedans. L’autre plat à l’opposite. Maintenant nous avons l’air compact et confortable, comme observait le papa en coupant la tête de son moutard pour l’empêcher de loucher. »

En faisant cette citation savante, Sam recula d’un pas ou deux pour examiner les préparatifs du festin. Il était encore plongé dans cette délicieuse contemplation, lorsque la société arriva et se mit à table.

« Wardle, dit M. Pickwick, presque aussitôt qu’on fût assis ; un verre de vin en honneur de cette heureuse circonstance.

— J’en serai charmé, mon vieux camarade, répliqua M. Wardle. Joe… damné garçon ! il est allé dormir.

— Non, monsieur, je ne dors pas, répondit le gros joufflu en sortant d’un coin de la chambre, où, comme l’immortel Jack Horner, patron des gros garçons, il s’occupait à dévorer un pâté de Noël, sans toutefois s’acquitter de cette besogne avec le sang-froid qui caractérisait les opérations gastronomiques de l’illustre héros de la ballade enfantine.

— Remplissez le verre de M. Pickwick.

— Oui, monsieur. »

Le gros joufflu emplit le verre de M. Pickwick et se retira ensuite derrière la chaise de son maître, d’où il observa avec une espèce de joie sombre et inquiète, le jeu des fourchettes et des couteaux, et le trajet des morceaux choisis depuis les plats jusqu’aux assiettes, et des assiettes jusqu’aux bouches des convives.

« Que Dieu vous bénisse, mon vieil ami, dit M. Pickwick.

— Je vous en dis autant, mon garçon, répliqua Wardle, et ils se firent raison du fond du cœur.

Mme Wardle, reprit M. Pickwick, nous autres vieilles gens nous devons boire un verre de vin ensemble en honneur de cet heureux événement. »