Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 1.djvu/398

Cette page a été validée par deux contributeurs.

glace baissée de deux doigts, durant tout ce temps, l’a relevée, et les couvertures des chevaux sont ôtées, et tout est prêt pour partir, excepté les deux gros gentlemen, dont le cocher s’enquiert avec grande impatience ; puis le cocher, et le garde, et Sam, et M. Winkle, et M. Snodgrass, et tous les palefreniers, et tous les flâneurs, qui sont plus nombreux que tous les autres ensemble, se mettent à brailler à tue-tête après les voyageurs manquants. Une réponse lointaine s’entend au fond de la cour ; M. Pickwick et M. Tupman la traversent en courant, tout hors d’haleine, car ils ont bu chacun un verre d’ale, et les doigts de M. Pickwick sont si froids, qu’il a été cinq grandes minutes avant de pouvoir tirer six pence pour payer. Le cocher vocifère d’un air mécontent : « Allons, gentlemen, allons ! » Le garde répète le même cri ; le vieux gentleman de l’intérieur trouve fort extraordinaire qu’on veuille descendre, quand on sait qu’on n’en a pas le temps ; M. Pickwick s’efforce de grimper d’un côté, M. Tupman de l’autre ; M. Winkle crie. Ça y est, et les voilà repartis ! Les châles sont remis, les collets d’habits sont rajustés, le pavé cesse, les maisons disparaissent, et nos voyageurs s’élancent de nouveau sur la grande route, et l’air clair et piquant baigne leur visage et les réjouit jusqu’au fond du cœur.

C’est ainsi que le Télégraphe de Muggleton transportait M. Pickwick et ses amis sur le chemin de Dingley-Dell. À trois heures de l’après-midi, ils débarquaient tous, sains et saufs, sur les marches du Lion bleu, ayant pris sur la route assez d’ale et d’eau-de-vie pour défier la gelée, qui couvrait, de ses belles dentelles blanches, les arbres et les haies.

M. Pickwick était sérieusement occupé à surveiller l’exhumation de la morue, lorsqu’il se sentit tirer doucement par le pan de son habit. Il se retourna et reconnut le page favori de M. Wardle, mieux connu des lecteurs de cette véridique histoire sous le nom du gros joufflu.

« Ha ! ha ! fit M. Pickwick.

— Ha ! ha ! fit le gros joufflu en regardant amoureusement la morue et les barils d’huîtres. Il était plus gros que jamais.

— Eh bien ! mon jeune ami, dit M. Pickwick, vous m’avez l’air assez rougeaud.

— J’ai dormi devant le feu de la buvette, répondit le gros joufflu, qu’une heure de somme avait monté au ton d’une brique. Maître m’a envoyé avec la charrette pour porter votre bagage à la maison. Il aurait envoyé quelques chevaux de