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commun de se pendre ; ainsi pas de ces bêtises-là. Empoisonne-toi, Sammy, mon garçon, empoisonne-toi et plus tard tu seras bien aise de m’avoir écouté. »

M. Weller regardait fixement son fils en prononçant ces touchantes paroles. Lorsqu’il eut terminé il tourna lentement sur le talon et disparut.

Les derniers conseils de son père ayant éveillé dans l’esprit de M. Samuel Weller mille idées contemplatives et lugubres, il sortit de l’auberge du Cheval blanc dès que le vieil automédon l’eut quitté, et dirigea ses pas vers l’église de Saint-Clément, essayant de dissiper sa mélancolie en se promenant dans les antiques dépendances de cet édifice. Il y avait déjà quelque temps qu’il flânait dans les environs, quand il se trouva dans un endroit solitaire, une espèce de cour, d’un aspect vénérable, et qui n’avait pas d’autre issue que le passage par lequel il était entré. Il allait donc retourner sur ses pas, lorsqu’il fut pétrifié sur place par une apparition que nous allons décrire ci-dessous.

M. Samuel Weller, était occupé à contempler les vieilles maisons de brique rouge, et malgré son abstraction profonde, lançait de temps en temps une œillade assassine aux fraîches servantes qui ouvraient une fenêtre ou levaient une jalousie, lorsque la porte verte d’un jardin, au fond de la cour, s’ouvrit tout à coup. Un homme en sortit, qui referma soigneusement, après lui, ladite porte et s’avança d’un pas rapide vers l’endroit où se trouvait Sam.

Or, si l’on prend ce fait isolément, et sans s’occuper des circonstances concomitantes, il n’a rien de fort extraordinaire, car, dans beaucoup de parties du monde, un homme peut sortir d’un jardin et fermer derrière lui une porte verte, il peut même s’éloigner d’un pas rapide, sans attirer pour cela l’attention publique. Il est donc clair qu’il devait y avoir, pour éveiller l’intérêt de Sam, quelque chose de particulier dans le costume de l’homme, ou dans l’homme lui-même, ou dans l’un et dans l’autre. C’est ce que le lecteur pourra facilement conclure, lorsque nous lui aurons décrit avec précision la conduite de l’individu dont il s’agit.

Il avait donc fermé derrière lui la porte verte, il s’avançait dans la cour d’un pas rapide, comme nous l’avons déjà dit deux fois ; mais il n’eut pas plus tôt aperçu M. Weller qu’il hésita, s’arrêta et parut ne pas trop savoir quel parti prendre. Cependant, comme la porte verte était fermée derrière lui, et