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tard et qu’il ne voulait pas faire retentir sa sonnette, à cette heure de la nuit, il remit son habit qu’il avait déjà ôté, et prenant le chandelier vernissé, il descendit tranquillement les escaliers.

Mais plus M. Pickwick descendait les escaliers, plus il semblait qu’il lui restât d’escaliers à descendre ; et plusieurs fois après être parvenu dans un étroit passage et s’être félicité d’être enfin arrivé au rez-de-chaussée, M. Pickwick vit un autre escalier apparaître devant ses yeux étonnés. Au bout d’un certain temps, cependant, il atteignit une salle dallée qu’il se rappela avoir vue en entrant dans la maison. Avec un nouveau courage il explora passage après passage ; il entr’ouvrit chambre après chambre, et à la fin, quand il allait abandonner ses recherches de pur désespoir, il se trouva dans la salle même où il avait passé la soirée, et il aperçut sur la table sa propriété manquante.

M. Pickwick saisit la montre d’un air triomphant, et s’occupa ensuite de retourner sur ses traces, pour regagner sa chambre à coucher ; mais si le trajet pour descendre avait été environné de difficultés et d’incertitudes, le voyage pour remonter était infiniment plus embarrassant. Dans toutes les directions possibles s’embranchaient des rangées de portes, garnies de bottes et de souliers. Une douzaine de fois, M. Pickwick avait tourné doucement la clef d’une chambre à coucher, dont la porte ressemblait à la sienne, lorsqu’un cri bourru de l’intérieur : « Qui diable est cela ? » ou, « Qu’est-ce que vous venez faire ici ? » l’obligeait à se retirer sur la pointe du pied, avec une célérité parfaitement merveilleuse. Il se trouvait de nouveau réduit au désespoir, lorsqu’une porte entr’ouverte attira son attention. Il allongea la tête et regarda dans la chambre. Bonne chance à la fin ! Les deux lits étaient là, dans la situation qu’il se rappelait parfaitement, et le feu brûlait encore. Cependant sa chandelle, qui n’était pas des plus longues lorsqu’il l’avait reçue, avait coulé dans les courants d’air qu’il venait de traverser, et s’abîma dans le chandelier, au moment où il fermait la porte derrière lui. « C’est égal, pensa M. Pickwick, je puis me déshabiller tout aussi bien à la lumière du feu. »

Les deux lits étaient placés à droite et à gauche de la porte. Entre chacun d’eux et la muraille il se trouvait une petite ruelle, terminée par une chaise de canne, et justement assez large pour permettre de monter au lit ou d’en descendre du côté de la