Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 1.djvu/300

Cette page a été validée par deux contributeurs.

répondit le locataire, qui avait eu le temps de se recueillir pendant le prolixe récit du revenant, je vous en quitterai la possession avec le plus grand plaisir ; mais, si vous me le permettez, je désirerais vous adresser une question. — Parlez, dit l’esprit d’une voix sévère. — Eh bien ! reprit notre homme, je ne veux pas vous appliquer personnellement mon observation, puisqu’elle est commune à tous les esprits dont j’ai entendu parler, mais il me semble un peu… inconséquent, que vous reveniez toujours exactement aux lieux où vous avez été le plus malheureux, lorsque vous avez la facilité de visiter les plus beaux pays de la terre, puisque l’espace ne doit rien être pour vous. — Ma foi ! cela est vrai ! je n’y avais jamais pensé, répliqua le revenant. — Vous voyez, monsieur, poursuivit le locataire, que cette chambre est bien misérable. D’après l’apparence de cette armoire, j’oserais dire qu’il n’y manque point de punaises ; et réellement j’imagine que vous pourriez trouver un domicile beaucoup plus confortable, sans parler du climat de Londres, qui est extrêmement peu flatteur. — Vous avez tout à fait raison, monsieur, répondit l’esprit avec politesse. Je n’avais jamais pensé à cela. Je vais essayer immédiatement du changement d’air. » En effet, tout en parlant, il commença à s’évanouir ; ses jambes étaient déjà entièrement disparues, lorsque le locataire le rappela. « Monsieur, lui cria-t-il, vous rendriez un bien grand service à la société si vous vouliez avoir la bonté de suggérer aux autres ladies et gentlemen qui s’occupent à hanter les vieilles maisons, qu’ils pourraient être beaucoup plus confortablement ailleurs. — Je n’y manquerai pas, répondit le revenant. Il faut en vérité que nous soyons bien bêtes, nous autres esprits, pour n’avoir point trouvé cela. Je ne me pardonne point d’avoir été si stupide ! » En disant ces mots, le revenant disparut, et ce qui est remarquable, ajouta le vieux homme en jetant un regard malin autour de la table, il ne revint jamais.

« Ce n’est pas mauvais, si c’est vrai, dit l’homme aux boutons de mosaïque en allumant un nouveau cigare.

— Si ! s’écria le vieillard d’un air excessivement méprisant. Voyez-vous, continua-t-il en se tournant vers Lowten, je ne serais pas bien étonné qu’il finît par dire que l’histoire du singulier client que nous avions, quand j’étais chez l’avoué, n’est pas vraie non plus.

— Oh ! cette histoire-là, je n’en dirai rien du tout, car je ne l’ai jamais entendue, répondit l’homme aux bijoux de clinquant.