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« Vous parlez de vos universités allemandes, poursuivit le petit vieillard, pouh ! pouh ! Il y a assez de poésie ici, à côté de nous, sous nos yeux ; seulement personne n’y pense.

— Certainement, dit en riant M. Pickwick, je n’ai jamais pensé à la poésie de ces endroits-là.

— Sans doute, vous n’y avez pas pensé : naturellement. C’est comme un de mes amis qui me disait souvent : « Qu’est-ce qu’il y a de particulier dans ces vieilles maisons ? — Drôles de vieux endroits, répondais-je. — Pas du tout, disait-il. — Solitaires, reprenais-je. — Pas le moins du monde, » disait-il. Un matin, comme il allait ouvrir sa porte pour sortir, il tomba frappé d’apoplexie foudroyante. Il est tombé la tête dans sa propre boîte à lettres. Il resta là pendant dix-huit mois. Tout le monde le crut parti de la ville.

— Et comment fut-il trouvé, à la fin ? demanda M. Pickwick.

— Comme il n’avait pas payé son loyer depuis deux ans, on se détermina à entrer d’autorité. En effet, la serrure fut forcée, et un cadavre desséché, en habit bleu, en culotte noire, en bas de soie, tomba dans les bras du portier qui ouvrait la porte. C’est drôle, ça ? assez drôle peut-être ? assez drôle, eh ? » Et le petit vieillard pencha sa tête encore plus sur son épaule, en frottant ses mains avec un indicible plaisir.

« Je sais une autre aventure du même genre, reprit-il, quand sa joie fut un peu calmée. Elle arriva dans Clifford’s Inn. Un locataire, sous les toits, mauvaise réputation, s’enferme dans le cabinet de sa chambre à coucher et prend une dose d’arsenic. L’intendant croit qu’il est décampé, ouvre sa porte et met écriteau. Un autre homme arrive, loue la chambre, la meuble et vient l’habiter. Mais, d’une manière ou d’une autre, il ne peut pas dormir. Toujours agité, inconfortable : C’est bien drôle ! se dit-il. Je ferai ma chambre à coucher dans l’autre pièce, et celle-ci sera mon cabinet. Il fait l’échange et dort très-bien la nuit, mais soudainement il devient incapable de lire le soir ; il se trouve nerveux, inquiet, et ne peut rien faire que de moucher sa chandelle ou de regarder autour de soi. « Je n’y comprends rien, » se dit-il un soir qu’il revenait de la comédie et buvait un verre de grog froid, le dos appuyé sur le mur, pour ne pas pouvoir s’imaginer qu’il y eût quelqu’un derrière lui. « Je n’y comprends rien, » se dit-il, et justement ses yeux s’arrêtent sur le petit cabinet qui était toujours resté fermé en dedans. Un frisson le saisit des pieds à la tête. « J’ai