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demeurer au logis, les trois autres pickwickiens montèrent dans une voiture découverte avec M. Wardle et M. Trundle, tandis que Sam Weller se plaçait sur le siége à côté du cocher.

Au bout d’une couple d’heures leur carrosse s’arrêta devant une vieille maison, sur le bord de la route. Ils étaient attendus, et trouvèrent à la porte, outre deux chiens d’arrêt, un garde-chasse, grand et sec, avec un enfant, dont les jambes étaient couvertes de guêtres de cuir. L’un et l’autre portaient une carnassière d’une vaste dimension.

« Dites-moi donc, murmura M. Winkle à M. Wardle, pendant qu’on abaissait le marchepied. Est-ce qu’ils supposent que nous allons tuer du gibier plein ces deux sacs-là.

— Plein ces deux sacs ! s’écria le vieux Wardle. Que Dieu vous bénisse ! vous en remplirez un et moi l’autre, et quand ils seront pleins, les poches de nos vestes en tiendront encore autant. »

M. Winkle descendit sans rien répondre ; mais il ne put s’empêcher de penser que s’ils devaient tous rester en plein air jusqu’à ce qu’il eût rempli un de ces sacs, ses amis et lui couraient un danger assez considérable d’attraper des fraîcheurs et des rhumatismes.

« Hi ! Junon, hi ! vieille fille ! À bas, Deph ! à bas ! dit M. Wardle en caressant les chiens. Sir Geoffrey est encore en Écosse, Martin ? »

Le grand garde-chasse répondit affirmativement, en promenant des regards surpris de M. Winkle, qui tenait son fusil comme s’il avait voulu que sa veste lui épargnât la peine de tirer la gâchette, à M. Tupman, qui portait le sien comme s’il en avait été effrayé ; et il y a tout lieu de croire qu’il l’était effectivement.

M. Wardle remarqua l’air inquiet du grand garde-chasse, « Mes amis, lui dit-il, n’ont pas beaucoup l’habitude de ces sortes de choses. Vous savez… ce n’est qu’en forgeant qu’on devient forgeron… Ils seront bons tireurs un de ces jours… Je demande pardon à mon ami Winkle, il a déjà quelque habitude, cependant. »

Pour reconnaître ce compliment, M. Winkle sourit faiblement par-dessus sa cravate bleue, et dans sa modeste confusion il se trouva si mystérieusement emmêlé avec son fusil, que si celui-ci avait été chargé, il se serait infailliblement tué sur la place.

« Il ne faut pas manier votre fusil dans cette imagination ici,