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— Il faut prendre des mesures instantanées. Je vais voir immédiatement la dame qui dirige l’établissement.

— Je vous demande pardon, monsieur, mais cela ne servira à rien.

— Pourquoi donc ?

— Mon maître, monsieur, est un homme très-artificieux.

— Je le sais bien.

— Et il s’est si bien entortillé autour du cœur de la vieille dame qu’elle ne croirait rien à son préjudice, quand vous en feriez serment sur vos deux genoux. D’ailleurs vous n’avez pas d’autre preuve que la parole d’un domestique ; mon maître ne manquera pas de dire qu’il m’a renvoyé pour quelque chose, et que je fais cela afin de me venger.

— Qu’est-ce que nous pourrions donc faire, alors ?

— Rien ne pourra convaincre la vieille dame, monsieur, si elle ne le prend pas sur le fait de l’enlèvement.

— Ces vieilles mules-là, interposa Sam, en guise de parenthèse, ces vieilles mules-là, s’obstinent à prendre des vessies pour des lanternes.

— Mais, fit observer M. Pickwick, j’ai peur qu’il ne soit infiniment difficile de le prendre sur le fait.

— Je ne sais pas, monsieur, répondit Job après un instant de réflexion ; il me semble que cela pourrait se faire très-aisément.

— Comment cela ?

— Voyez-vous, mon maître a gagné les deux servantes, et elles doivent nous introduire dans la cuisine, ce soir, à dix heures. Quand toute la maison se sera retirée pour dormir, nous sortirons de la cuisine, et alors la jeune personne descendra de sa chambre ; il y aura une chaise de poste, et en route !

— Eh bien ? fit M. Pickwick.

— Eh bien ! monsieur ; je crois que si vous nous attendiez dans le jardin, tout seul…

— Tout seul ! Pourquoi tout seul ?

— Je pensais que la vieille demoiselle n’aimerait pas qu’une découverte aussi désagréable se fît devant beaucoup de monde ; et puis la jeune lady, monsieur, considérez sa confusion !…

— Vous avez tout à fait raison. Cette réflexion montre une grande délicatesse de sentiments. Poursuivez ; vous avez raison…

— Eh bien ! monsieur ; je pensais donc que si vous attendiez