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Sam se rappela les ordres de son maître et répondit : « Mon nom est Walker, le nom de mon maître est Wilkins. Voulez-vous prendre une goutte de quelque chose ce matin, M. Trotter ? »

M. Trotter donna son complet assentiment à cette agréable proposition, et ayant déposé son livre dans la poche de son habit, il accompagna M. Walker à la buvette. Là, ils s’occupèrent à discuter le mérite d’un agréable mélange, contenu dans un vase d’étain et composé de l’essence parfumée du clou de girofle et d’une certaine quantité de genièvre de Hollande, fabriqué en Angleterre.

« Et c’est-il une bonne place que vous avez ? demanda Sam, en remplissant pour la seconde fois le verre de son compagnon.

— Mauvaise, répondit Job, en se léchant les lèvres, très-mauvaise.

— Vrai ?

— Oui, sûr ; et pire que cela ; mon maître va se marier.

— Pas possible !

— Si, et pire que cela. Il va enlever une grosse héritière dans une pension.

— Quel dragon ! dit Sam, en remplissant encore le verre de son camarade. C’est quelque pension de cette ville, je suppose ? »

Cette question fut faite du ton le plus indifférent qu’on puisse imaginer. Cependant M. Job Trotter montra clairement, par ses manières, qu’il remarquait avec quelle anxiété son nouvel ami attendait sa réponse. Il vida son verre, regarda mystérieusement Sam Weller, cligna l’un après l’autre chacun de ses petits yeux, et finalement fit avec sa main le geste de manier une pompe imaginaire, donnant à entendre par là qu’il considérait son compagnon comme trop désireux de pomper ses secrets.

« Non, non, observa-t-il, en conclusion. Cela ne se dit pas à tout le monde. C’est un secret ; un grand secret, M. Walker. »

En prononçant ces paroles, l’homme violet retourna son verre sens dessus dessous, afin de faire remarquer ingénieusement à son compagnon qu’il n’y restait plus rien pour assouvir sa soif. Sam comprit l’apologue ; il en apprécia la délicatesse, et ordonna de remplir, sur nouveaux frais, le vase d’étain. Cet ordre fit briller de plaisir les petits yeux de l’homme violet.

« Ainsi donc, c’est un secret ? reprit Sam.