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rapportait l’assurance que M. Charles Fitz-Marshall avait retenu, jusqu’à nouvel ordre, sa chambre particulière ; il était allé passer la soirée dans une maison du voisinage, avait ordonné au garçon de l’attendre et avait emmené son domestique avec lui.

« Maintenant, monsieur, continua Sam, après avoir fait son rapport, si je puis causer un brin avec ce domestique ici, il me contera toutes les affaires de son maître.

— Comment savez-vous cela ? demanda M. Pickwick.

— Que vous êtes donc jeune monsieur ! Tous les domestiques en font autant.

— Oh ! oh ! fit le philosophe, j’avais oublié cela : c’est bon.

— Alors, vous verrez ce qu’il y a de mieux à faire, monsieur, nous agirons en conséquence. »

Comme cet arrangement paraissait le meilleur possible, il fut finalement adopté. Sam se retira, avec la permission de son maître, pour passer la soirée comme il l’entendrait. Il dirigea ses pas vers la buvette de la maison, et peu de temps après, fut élevé au fauteuil par la voix unanime de l’assemblée. Une fois parvenu à ce poste honorable, il fit éclater tant de mérite, que les éclats de rire des gentlemen habitués, et les marques bruyantes de leur satisfaction, parvinrent jusqu’à la chambre à coucher de M. Pickwick, et raccourcirent, de plus de trois heures, la durée naturelle de son sommeil.

Le lendemain, dès le matin, Sam Weller s’occupa de calmer l’agitation fiévreuse qui lui restait de la veille, par l’application d’une douche d’un penny ; c’est-à-dire que, moyennant cette pièce de monnaie, il engagea un jeune gentleman du département de l’écurie à faire jouer la pompe sur sa tête et sur sa face, jusqu’à l’entière restauration de ses facultés intellectuelles. Tandis qu’il subissait ce traitement médical, son attention fut attirée par un jeune homme, assis sur un banc, dans la cour. Il était vêtu d’une livrée violette, et lisait dans un livre d’hymnes, avec un air d’abstraction profonde, qui ne l’empêchait cependant pas de jeter de temps en temps un coup d’œil vers Sam, comme s’il avait pris grand intérêt à l’opération qu’il se faisait faire.

« Voilà un drôle de corps, pensa celui-ci, la première fois que ses yeux rencontrèrent ceux de l’étranger en livrée violette. Et, en effet, avec son pâle visage, large et plat, avec ses yeux enfoncés et sa tête énorme, d’où pendaient plusieurs mèches de cheveux noirs et lisses, l’étranger pouvait passer