Page:Dickens - Les Papiers posthumes du Pickwick Club, Hachette, 1893, tome 1.djvu/219

Cette page a été validée par deux contributeurs.

nouveaux frais. Lifre, poisie ; capitle, amis littéraires ; nom, l’Homme-grasse. Très-fort bien. Présenté à l’Homme-grasse, ami de Pique-Figue, par madame Châsse, qui d’autres délicats poimes a produits. Comment s’appelle ? Grenouille… Grenouille soupirante. Très-fort bien. » Et le comte referma ses tablettes, fit mille révérences, mille remercîments, et s’éloigna, persuadé qu’il venait d’ajouter à ses connaissances sur l’Angleterre, les plus importantes et les plus utiles observations.

« C’est un homme bien étonnant ! s’écria Minerve.

— Un philosophe profond ! ajouta Pott.

— Un esprit fort et pénétrant ! » continua M. Snodgrass.

Un chœur d’invités relevèrent les louanges du comte Smorltork, en secouant gravement leur tête et en disant d’une voix unanime : « Étonnant !!! »

Comme l’enthousiasme en faveur du comte Smorltork s’allumait de plus en plus, ses louanges auraient pu être célébrées jusqu’à la fin de la fête, si les quatre soi-disant chanteurs italiens, rangés autour d’un petit pommier, pour produire un effet pittoresque, ne s’étaient pas mis à dérouler leurs chansons nationales. Il faut avouer qu’elles ne paraissaient point d’une exécution bien difficile, et tout le secret semblait consister à ce que trois des soi-disant chanteurs italiens grognaient, tandis que le quatrième miaulait. Cet intéressant morceau étant terminé, aux applaudissements de toute la compagnie, un jeune garçon commença à se faufiler entre les bâtons d’une chaise, et à sauter par-dessus, et à ramper par-dessous, et à se culbuter avec, et à en faire toutes les choses imaginables, excepté de s’asseoir dessus. Ensuite il se fit une cravate de ses jambes et les attacha autour de son cou ; puis il fit voir avec quelle facilité une créature humaine peut prendre l’apparence d’un crapaud. Les nombreux spectateurs étaient transportés de jouissance et d’admiration. Bientôt après on entendit gazouiller faiblement : c’était la voix de Mme Pott, et ses auditeurs pleins de courtoisie s’imaginèrent entendre une chanson parfaitement classique, une vraie chanson de caractère, car Apollon était un compositeur, et les compositeurs chantent très-rarement leurs propres œuvres, et pas davantage celles d’autrui. Enfin Mme Chasselion s’avança et récita son ode immortelle à une Grenouille expirante. Des bravo, des brava, des bravi, des encore se firent entendre ; et elle la récita une seconde fois. Elle allait la réciter une troisième, mais la majo-