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« Monsieur Pickwick, dit Mme  Chasselion, il faut que vous me promettiez de rester auprès de moi durant toute la journée. Il y a ici des centaines de personnes que je dois absolument vous présenter.

— Vous êtes bien bonne, madame, répondit M. Pickwick.

— En premier lieu voici mes fillettes ; je les avais presque oubliées, » dit Minerve, en montrant d’un air négligent deux demoiselles parfaitement développées, qui pouvaient avoir de vingt à vingt-deux ans, et qui portaient l’une et l’autre des costumes enfantins. Était-ce pour les faire paraître plus modestes, où pour faire paraître leur maman plus jeune ? M. Pickwick ne nous en informe pas clairement.

« Elles sont charmantes, dit M. Pickwick, lorsque ces aimables enfants se retirèrent, après lui avoir été présentées.

— Monsieur, répliqua M. Pott avec un air de majesté, c’est qu’elles ressemblent comme deux gouttes d’eau à leur maman.

— Taisez-vous, méchant homme ! s’écria gaiement Mme  Chasselion, en frappant de l’éventail le bras de l’éditeur. (Minerve avec un éventail !)

— Certainement, ma chère madame Chasselion, reprit M. Pott, qui était le trompette attitré de la Caverne. Vous savez bien que l’année dernière, quand votre portrait était à l’exposition, tout le monde demandait si c’était le vôtre ou celui de votre plus jeune fille ; car vous vous ressembliez tant qu’il n’y avait pas moyen de faire la différence.

— Eh bien ! quand cela serait, qu’est-ce que vous avez besoin de le répéter devant des étrangers ? répliqua Minerve en accordant un autre coup d’éventail au lion endormi de la Gazette d’Eatanswill.

— Comte ! comte ! cria tout à coup Mme  Chasselion à un individu qui passait à portée de sa voix, et qui avait un uniforme étranger, surmonté d’énormes moustaches.

— Ah ! fous fouloir te moi, dit le comte en se retournant.

— Je veux présenter l’un à l’autre deux hommes fort spirituels. Monsieur Pickwick, je suis heureuse de vous présenter le comte Smorltork. » Mme  Chasselion ajouta à l’oreille du philosophe : « Le fameux étranger qui rassemble des matériaux pour son ouvrage sur l’Angleterre, vous savez ? — Le comte Smorltork, monsieur Pickwick. »

M. Pickwick salua le comte avec toute la révérence due à un si grand homme, et le comte tira ses tablettes.