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troisième jour après l’élection, il allait sortir pour les visiter, lorsque son fidèle domestique remit entre ses mains une carte de visite, sur laquelle était gravée l’inscription suivante, en lettres gothiques :

MADAME CHASSE-LION.
La Caverne. Eatanswill.


— La personne attend, dit Sam.

— C’est bien moi qu’elle demande ?

— C’est vous particulièrement et sans remplacement, comme dit le secrétaire privé du diable quand il vint emporter le docteur Faust. C’est bien vous qu’il demande.

Il ? c’est donc un gentleman ?

— Si ça n’en est pas un, c’en est une imitation soignée.

— Mais c’est la carte d’une dame.

— Je l’ai reçue d’un monsieur, malgré ça. Il attend dans le salon et il dit qu’il attendra toute la journée plutôt que de ne pas vous voir. »

Ayant appris cette détermination, M. Pickwick descendit au parloir. Un homme grave y était assis. Il se leva promptement en voyant entrer notre philosophe, et dit avec un air de profond respect :

« Monsieur Pickwick ? je présume.

— Oui, monsieur.

— Permettez-moi, monsieur, d’avoir l’honneur de presser votre main. Permettez-moi de la secouer.

— Avec plaisir, » répondit M. Pickwick.

L’étranger secoua la main qui lui était offerte, et continua ainsi.

« Monsieur la renommée nous a parlé de vous comme d’un savant antiquaire. Le bruit de vos découvertes a frappé l’oreille de Mme  Chasselion, ma femme, monsieur ; moi, je suis M. Chasselion. »

Ici l’homme grave s’arrêta, comme s’il avait cru que M. Pickwick devait être étourdi par cette communication ; mais voyant que le philosophe demeurait parfaitement calme, il poursuivit en ces termes :

— Ma femme, monsieur, mistress Chasselion, est fière de compter parmi ses connaissances tous ceux qui se sont illustrés par leurs ouvrages et par leurs talents. Permettez-moi, monsieur, de placer dans cette liste le nom de M. Pickwick, et celui de ses confrères du club qu’il a fondé.