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« Ma chère dame, dit Tom, car il savait fort bien se rendre aimable ; ma chère dame, vous méritez un excellent mari, en vérité.

— Seigneur ! monsieur ! s’écria la veuve ; et elle n’avait pas tort : cette manière d’entamer la conversation était assez inusitée, pour ne pas dire plus, surtout si l’on considère qu’elle n’avait jamais vu Tom avant la soirée précédente. Seigneur ! monsieur !

— Je ne suis point un flatteur, ma chère dame. Vous méritez un mari parfait et ce sera un homme bien heureux. »

Tandis que Tom parlait ainsi, ses yeux s’égaraient involontairement du visage de la veuve sur les objets confortables qui l’environnaient.

La veuve eut l’air plus embarrassé que jamais ; elle fit un mouvement pour se lever ; mais Tom pressa doucement sa main comme pour la retenir et elle resta sur son siége. Les veuves, messieurs, sont rarement craintives, comme disait mon oncle.

« Vraiment, monsieur, je vous suis bien obligée, de votre bonne opinion, dit-elle en riant à moitié ; et si jamais je me marie…

— Si ? interrompit Tom en la regardant très-malignement du coin droit de son œil gauche.

— Eh bien ! quand je me marierai, j’espère que j’aurai un aussi bon mari que vous le dites.

— C’est-à-dire Jinkins ?

— Seigneur ! monsieur !

— Allons ! ne m’en parlez point, je le connais…

— Je suis sûre que ceux qui le connaissent ne connaissent pas de mal de lui, reprit la dame un peu piquée par l’air mystérieux du voyageur.

— Hum ! » fit Tom.

La veuve commença à croire qu’il était temps de pleurer. Elle tira donc son mouchoir et elle demanda si Tom voulait l’insulter ; s’il croyait que c’était l’action d’un gentleman de dire du mal d’un autre gentleman, en arrière ; pourquoi, s’il avait quelque chose à dire, il ne l’avait pas dit à son homme, comme un homme, au lieu d’effrayer une pauvre faible femme de cette manière, etc., etc.

« Je ne tarderai pas à lui dire deux mots à lui-même, répondit Tom. Seulement je désire que vous m’entendiez auparavant.