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avait déterré. Il avait atteint le plus grand objet de son ambition. Dans un comté connu pour être couvert par des restes de l’antiquité, dans un village où il existait encore quelques gages des anciens temps, lui, le président du Pickwick-Club, avait découvert une étrange et curieuse inscription, d’une antiquité incontestable, et qui avait entièrement échappé aux observations de tous les savants hommes qui l’avaient précédé. Il pouvait à peine en croire l’évidence de ses sens.

« Ceci, dit-il, ceci me détermine. Nous retournerons à la ville dès demain.

— Demain ! s’écrièrent ses disciples pleins d’admiration.

— Demain, répéta M. Pickwick. Ce trésor doit être déposé sur-le-champ dans un endroit où il puisse être complétement étudié et convenablement compris. J’ai une autre raison pour cette démarche. Dans quelques jours une élection doit avoir lieu pour le bourg d’Eatanswill. Un gentleman que j’ai rencontré dernièrement, M. Perker, est l’agent d’un des candidats. Nous contemplerons, nous étudierons minutieusement une scène intéressante pour quiconque est Anglais.

— Nous vous suivrons !  » s’écrièrent en même temps trois voix, qui semblaient n’en former qu’une.

M. Pickwick promena ses regards autour de lui. L’attachement, la ferveur de ses disciples allumèrent dans son sein le feu de l’enthousiasme. Il était leur maître, et il le sentit.

« Célébrons, reprit-il, célébrons cette réunion fortunée par des libations amicales. » Cette nouvelle proposition ayant été également accueillie par des applaudissements unanimes, M. Pickwick déposa l’importante pierre dans une petite boîte de sapin, qu’il eut le bonheur d’obtenir de l’hôtesse ; puis il se plaça dans un fauteuil au haut bout de la table, et la soirée tout entière fut consacrée à la gaieté et à la conversation.

Il était onze heures passées, heure indue pour le petit village de Cobham, lorsque M. Pickwick se retira dans la chambre à coucher qui lui avait été préparée. Il leva la jalousie, et, posant sa lumière sur la table, il se laissa aller à de profondes méditations sur les nombreux événements des deux journées précédentes.

L’heure et l’endroit étaient favorables à la contemplation et M. Pickwick n’en fut tiré que par le bruit de l’horloge de l’église, qui frappait lentement minuit. Le premier coup de la cloche retentit à son oreille d’une manière solennelle et lugubre à la fois ; mais quand elle cessa de tinter, le silence lui pa-