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M. Pickwick reçut le manuscrit, et se sépara du bienveillant vieillard avec mille expressions d’estime et d’affection.

C’était une tâche bien plus difficile de prendre congé des habitants de Manoir-ferme, où nos voyageurs avaient été reçus avec tant d’hospitalité, avec des attentions si délicates. M. Pickwick embrassa les jeunes ladies. Nous allions dire, comme si elles avaient été ses propres filles, mais la comparaison pourrait bien n’être pas entièrement exacte, car peut-être y mit-il un peu plus de chaleur. Il embrassa la vieille lady avec une tendresse filiale, et en glissant dans la main des servantes quelques preuves substantielles de sa bienveillance, il tapota leurs joues rosées, d’une manière toute patriarcale. Ensuite, des protestations bien plus cordiales encore, bien plus prolongées, furent échangées avec leur excellent amphitryon et avec M. Trundle. Cependant M. Snodgrass était disparu ; et il fallut l’appeler plusieurs fois avant de le déterminer à sortir de certains corridors sombres.

Miss Emily rentra bientôt après, et ses yeux, ordinairement si brillants, paraissaient ternes et battus. Enfin les trois amis s’arrachèrent des bras de leurs aimables hôtes, et tout en s’éloignant lentement de la ferme, ils jetèrent en arrière bien des regards attendris. On prétend même que M. Snodgrass lança d’innombrables baisers dans les airs, en reconnaissance de quelque chose de blanchâtre qui continua à s’agiter à une des croisées de la maison, jusqu’au moment où un détour du chemin leur cacha la vieille demeure : ce quelque chose ressemblait beaucoup à un mouchoir de femme.

À Muggleton nos voyageurs prirent la voiture de Rochester, et lorsqu’ils arrivèrent dans ce dernier endroit, leur douleur s’était suffisamment apaisée pour leur permettre de faire un excellent dîner. Quelque temps après, ayant pris les informations nécessaires concernant le chemin qu’ils devaient suivre, ils se dirigèrent, en se promenant, vers Cobham.

C’était par une charmante soirée du mois de juin. La route, qui serpentait à l’ombre d’un bois, était égayée par le chant des oiseaux, et rafraîchie par l’haleine du zéphir ; le lierre grimpant et les mousses pendantes ornaient le tronc des vieux arbres ; la terre était revêtue d’un vert gazon, aussi délicat qu’un tapis de soie. En sortant du bois, nos voyageurs se trouvèrent dans un parc ouvert, au milieu duquel s’élevait un ancien château construit dans le style pittoresque et singulier du temps d’Élisabeth. De longs points de vue s’étendaient de