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mer un peu, lorsqu’il réfléchit aux inconvénients et aux dangers de l’expédition dans laquelle il s’était embarqué si légèrement. Il fut tiré de ces pensées déplaisantes par les clameurs des postillons.

« Ohé ! ohé ! ohé ! ohé ! ohé ! cria le premier postillon.

— Ohé ! ohé ! ohé ! ohé ! ohé ! hurla le second postillon.

— Ohé ! ohé ! ohé ! ohé ! ohé ! vociféra le vieux Wardle lui-même en mettant la moitié de son corps hors de la portière.

— Ohé ! ohé ! ohé ! ohé ! ohé ! » répéta M. Pickwick, en s’unissant au refrain, sans avoir la plus légère idée de ce qu’il signifiait.

Au milieu de ces cris poussés par tous les quatre à la fois, la chaise s’arrêta.

« Qu’est-ce qui nous arrive ? demanda M. Pickwick.

— Il y a une barrière ici, répondit le vieux Wardle, et nous aurons des nouvelles des fugitifs. »

Au bout de cinq minutes consommées à frapper et à crier sans relâche, un vieux bonhomme, n’ayant que sa chemise et son pantalon, sortit de la maison du Turnpike et ouvrit la barrière[1].

« Combien y a-t-il qu’une chaise est passée ici ? demanda M. Wardle.

— Combien y a ?

— Oui.

— Ma foi je n’en sais trop rien. N’y a pas trop longtemps, ni trop peu non plus. Juste entre les deux peut-être.

— Est-il passé une chaise, seulement.

— Ah ! mais oui, il est passé une chaise.

— Combien y a-t-il de temps, mon ami ? dit M. Pickwick en s’interposant. Une heure ?

— Ah ! cela se pourrait bien, répliqua l’homme.

— Ou deux heures ? demanda le premier postillon.

— Je n’en serais pas bien étonné, répondit l’homme d’un air de doute.

— En route, postillons ! s’écria M. Wardle irrité ; voilà assez de temps de perdu avec ce vieil idiot.

— Idiot ! répéta le vieux, en contemplant avec un ricanement la chaise qui diminuait rapidement à mesure que la distance augmentait. Non ! Pas si idiot que vous croyez. Vous avez

  1. En Angleterre l’entretien des routes se fait au moyen d’un péage, qui est perçu de distance en distance. (Note du traducteur)