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— Il s’en faut de beaucoup.

— À la bonne heure. Franchement, continua le séduisant Mollusque, j’ai été très-fâché que vous pussiez vous trouver dans la nécessité de faire ici une retraite temporaire, et j’espère (ceci soit dit entre nous, de gentleman à gentleman) que nous n’y sommes pour rien, nous autres ?

— Vous autres ?

— Oui, nous tous au bureau des Circonlocutions.

— Je n’ai pas le moindre droit d’accuser de mes revers cet établissement remarquable.

— Ma parole d’honneur, dit avec vivacité le petit Mollusque, j’en suis enchanté. Je suis charmé de vous entendre faire cette déclaration. J’aurais vraiment été désolé que nous fussions pour quelque chose dans votre embarras actuel. »

Clennam assura de nouveau qu’il acquittait les agents des Circonlocutions de toute responsabilité.

« Tant mieux. Je suis heureux de l’apprendre. Je craignais au fond que nous n’eussions contribué à vous amener ici, car il faut bien avouer que nous avons parfois le malheur de réduire les gens à des extrémités de ce genre. Ce n’est pas que nous ayons la moindre idée de les y réduire, mais si les gens tiennent absolument à venir s’empêtrer chez nous… ma foi, ce n’est pas notre faute.

— Sans partager entièrement votre avis à cet égard, répondit tristement Arthur, je vous remercie de l’intérêt que vous me témoignez.

— Non, mais là, vraiment ! Je vous assure, reprit ce sans gêne de petit Mollusque, que nous sommes les êtres les plus inoffensifs du monde. Vous me direz que notre institution n’est qu’une mauvaise plaisanterie. Je ne prétends pas le contraire ; mais elle n’a pas été créée et mise au monde pour autre chose : elle ne fait donc que remplir son mandat. Vous comprenez ?

— Du tout ; je ne comprends pas.

— C’est que vous n’envisagez pas la question à son véritable point de vue, et c’est là le point essentiel. Le véritable point de vue c’est que tout ce que nous demandons au public, c’est qu’il nous laisse tranquilles ; trouvez-moi une administration qui puisse en dire autant.

— Oui, mais êtes-vous nommés là pour qu’on vous laisse tranquilles ?

— Vous avez mis le doigt dessus, répliqua Ferdinand. On n’a jamais eu d’autre but en vue. Notre ministère n’est là que pour qu’on laisse tout tranquille. C’est là le fin mot. Sans doute il y a certaines formalités à remplir, car il faut bien faire semblant d’avoir autre chose à faire ; mais ce n’est qu’une frime. Quant aux formalités, nous ne les ménageons pas, Dieu merci ! voyez plutôt toutes les formalités par lesquelles vous avez déjà passé, sans en être plus avancé.

— Pour cela, c’est vrai ! répondit Clennam.