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son cœur, ne put s’empêcher d’en faire la remarque. Le jeune John ne tarda pas à disparaître dans la cour de la prison.

Comme Arthur connaissait assez les us et coutumes de l’endroit pour savoir qu’il devait rester quelque temps dans la loge, il s’assit dans un coin et feignit de lire diverses lettres qu’il tira de sa poche. Cette lecture ne l’occupa pas au point de l’empêcher de remarquer avec reconnaissance que M. Chivery écartait les flâneurs de la loge, faisant signe aux uns, avec un geste de ses clefs, de ne pas approcher, invitant les autres à s’éloigner, au moyen de divers coups de coudes significatifs, afin de diminuer autant que cela dépendait de lui les ennuis du captif.

Arthur était assis, les yeux baissés, rêvant au passé, déplorant le présent, sans s’arrêter ni à l’un ni à l’autre, lorsqu’il sentit une main qui lui touchait l’épaule. C’était le jeune John.

« Vous pouvez venir maintenant, » disait-il.

Arthur se leva et suivit machinalement son guide. Lorsqu’ils eurent fait quelques pas dans la seconde cour, John se retourna pour ajouter :

« Il vous faut une chambre. Je vous en ai trouvé une.

— Je vous remercie bien sincèrement. »

John se retourna, franchit le seuil d’une porte que Clennam avait lui-même franchie bien des fois, monta l’escalier et entra dans la vieille chambre. Le prisonnier lui tendit la main. John la regarda, regarda ensuite le détenu… d’un air sombre… le cœur gros, la poitrine suffoquée.

« Je ne sais pas si je puis vous donner la main, dit-il. Non, je sens que je ne peux pas. Mais, c’est égal, j’ai pensé que vous aimeriez mieux cette chambre-ci qu’une autre, et la voilà. »

La surprise que cette conduite bizarre avait inspirée à Clennam fit place (dès que John eut disparu) aux sentiments que cette chambre vide devait naturellement éveiller chez lui et aux innombrables associations d’idées qui lui rappelaient la bonne et douce enfant qui avait sanctifié cette misérable demeure. L’absence de la jeune fille, dans un pareil moment, donna à la chambre un aspect si morne et causa à son ancien ami un tel sentiment de désolation qu’il se tourna contre le mur pour pleurer ; soulageant son cœur par des sanglots :

« Ô ma petite Dorrit ! »