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— Au contraire, il ne me confie absolument rien, même comme à son médecin. Vous savez ce qu’on dit, dans tous les cas ?

— Naturellement. Mais vous connaissez M. Merdle ; vous savez combien il est taciturne et réservé. Je vous assure que j’ignore absolument si ces bruits sont fondés ou non. Je désire qu’ils soient vrais : pourquoi vous le cacherais-je ? Vous le devineriez bien sans que je vous le disse.

— C’est clair.

— La nouvelle est-elle vraie en tout ou en partie ? Est-elle tout à fait fausse ? Je n’en sais rien, et je ne connais pas de position plus déplaisante, je dirai même de position plus absurde ; mais vous connaissez M. Merdle, et cela ne vous étonnera pas. »

Le docteur, en effet, ne parut pas étonné ; il mit Mme  Merdle dans sa voiture et lui souhaita le bonsoir. Il se tint un moment sur le seuil, suivant d’un regard tranquille l’élégant équipage qui s’éloignait. Lorsqu’il eut regagné le salon, les autres invités ne tardèrent pas à prendre congé et il resta seul. Comme il aimait beaucoup à lire, et toute espèce de livres (il ne cherchait pas du tout à s’excuser de cette faiblesse), il s’assit et commença à lire.

L’horloge qui se trouvait sur son bureau marquait minuit moins quelques minutes, lorsqu’un coup de sonnette attira son attention. C’était un homme d’habitudes fort simples ; il avait déjà envoyé coucher ses domestiques, et force lui fut d’aller ouvrir lui-même. Il descendit donc et trouva à la porte un homme tête nue, sans habit, les manches de chemise relevées et roulées jusqu’à l’épaule. Au premier abord, il crut que cet individu venait de se battre, d’autant plus qu’il paraissait agité et essoufflé. Mais un second coup d’œil lui montra que son visiteur était extrêmement propre, et que le négligé de sa toilette n’indiquait d’ailleurs aucun désordre.

« Monsieur, je viens de l’établissement des bains chauds, ici près, dans la rue voisine.

— Et que puis-je faire pour les bains chauds ?

— Seriez-vous assez bon pour venir tout de suite, monsieur ? Tenez, voici ce que nous avons trouvé sur la table. »

Il remit au docteur un morceau de papier. Celui-ci, l’ayant examiné, y lut son nom et son adresse tracés au crayon. Il regarda l’écriture de plus près, regarda de nouveau le messager, prit son chapeau à un portemanteau, mit la clef de la porte dans sa poche et s’éloigna d’un pas rapide.

Lorsqu’ils arrivèrent à la maison des bains, tous les gens de la maison guettaient leur arrivée à la porte ou allaient et venaient dans les couloirs.

« Priez tout le monde de se tenir à l’écart, dit le docteur au maître de la maison ; et vous, ajouta-t-il en s’adressant au messager, montrez-moi le chemin. »

Le garçon le conduisit jusqu’au bout d’une avenue de cabinets et