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des promenades de la petite ville, aujourd’hui, demain, et toujours, on se rappelait involontairement le préau où se récréaient les détenus de la Maréchaussée. Mais sans accorder à ces touristes plus d’attention qu’il n’en fallait pour faire cette remarque, en passant il se mit en quête d’une certaine rue et d’un certain numéro qui étaient gravés dans sa mémoire.

« C’est bien là l’adresse que Pancks m’a donnée, murmura-t-il en s’arrêtant devant une maison d’aspect lugubre. Je présume que ses renseignements sont exacts, et qu’il les a en effet découverts dans les papiers de M. Casby ; car autrement, je n’aurais jamais songé à venir chercher ici ma mystérieuse demoiselle. »

C’était une sombre maison, avec une triste muraille sur la rue, et une triste porte pour y entrer, dont la sonnette produisit deux tristes tintements et dont le marteau renvoya un triste toc toc qui n’avait pas seulement l’air d’avoir la force d’effleurer la surface craquelée de la porte. Cependant cette porte s’ouvrit en grinçant sur son triste gond, il la referma derrière lui et entra dans une cour lugubre, où il fut arrêté par une autre muraille aussi triste que la première, que l’on avait essayé de tapisser de quelques tristes plantes grimpantes à moitié mortes, comme on avait voulu l’orner aussi d’une petite fontaine en rocaille, à moitié sèche, et la décorer d’une petite statue qui n’avait plus que la moitié de ses membres.

L’entrée de la maison se trouvait à gauche ; elle était garnie, ainsi que la porte cochère, de deux écriteaux qui annonçaient (en anglais et en français) qu’on trouvait là des appartements meublés à louer présentement. Une grosse paysanne réjouie, en jupon court, en bonnet blanc, et en boucle d’oreilles, parut à l’entrée d’une sombre allée ; et demanda, en montrant une rangée de dents qui n’étaient pas désagréables à voir :

« Aïe say ! Sire ! Chez qui allez-vous ? »

Clennam répondit en français qu’il désirait voir la dame anglaise.

« Entrer et montez, s’il vous plaît, » répliqua la paysanne employant aussi sa langue maternelle. Le visiteur s’empressa de profiter de la permission et suivit son guide par un escalier sombre et nu jusqu’à un salon qui donnait sur la triste cour aux plantes mortes, à la fontaine desséchée et au tronçon de statue.

« M. Blandois, dit Clennam.

— Très-bien, monsieur. »

Sur ce, la paysanne se retira et Arthur put examiner le salon. C’était le type invariable des salons de ses appartements meublés. Froid, triste et sombre. Parquet ciré, très-glissant, bon seulement pour y patiner, s’il y avait eu assez de place. Rideaux rouges et blancs aux croisées ; petite table ronde soutenue par un rassemblement de pieds tors ; chaises de paille incommodes ; deux grands fauteuils de velours d’Utrecht où l’on avait autant de place qu’il en fallait pour ne pas y être à son aise ; un secrétaire, un miroir rapiécé qui faisait semblant d’être d’un seul morceau, deux vases de