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brave garçon peut monter (s’adressant aux gens de l’hôtel et se dirigeant vers l’escalier). Oui, oui, il peut monter. Que le petit John me suive. Je lui parlerai en haut. »

Le petit John le suivit, souriant et flatté. On arriva à l’appartement de M. Dorrit. On alluma les bougies. Les domestiques se retirèrent.

— Ah ça, monsieur s’écria M. Dorrit, se retournant soudain et saisissant le pauvre John au collet, dès qu’il se trouva seul avec lui, me direz-vous ce que cela signifie ? »

La surprise et l’horreur qu’exprima la physionomie de l’infortuné visiteur (il s’attendait au contraire à se voir embrasser) furent telles que M. Dorrit retira sa main et se contenta de regarder le coupable d’un air irrité.

« Comment osez-vous venir ici ? demanda-t-il. Comment avez-vous l’audace de vous présenter chez moi ? Comment osez-vous m’insulter ainsi ?

— Vous insulter ? moi ? s’écria John. Oh !

— Oui, monsieur m’insulter ! Votre présence chez moi est un affront, une impertinence, une audace sans nom ! On n’a pas besoin de vous ici. Qui vous a envoyé à mon hôtel ? Que… ha !… que diable me voulez-vous ?

— J’avais cru, monsieur, répondit le pauvre John, qui avait la figure la plus pâle, la plus déconfite que M. Dorrit eût jamais vue… même durant son séjour au collège de la Maréchaussée, j’avais cru que vous ne refuserez pas d’avoir la bonté d’accepter un paquet de…

— Que le diable emporte vos paquets, monsieur ! interrompit M. Dorrit de plus en plus furieux… Je… hem !… je ne fume pas.

— Je vous demande mille pardons, monsieur… Vous fumiez autrefois.

— Répétez ces paroles, s’écria M. Dorrit qui ne se connaissait plus de colère, et je prends les pincettes pour vous apprendre à me parler ainsi. »

John Chivery fit quelques pas en arrière, du côté de la porte.

« Arrêtez, monsieur ! arrêtez ! Asseyez-vous… que le diable vous emporte !… Asseyez-vous. »

Le visiteur se laissa tomber dans le fauteuil le plus rapproché de la porte, et M. Dorrit se promena de long en large dans la chambre ; d’un pas très-rapide d’abord, puis plus lentement. Il s’approcha un moment de la croisée et s’appuya le front contre la vitre. Tout à coup il se retourna pour demander :

« Et quel autre motif vous amène ?

— Je n’avais aucun autre motif au monde pour venir, monsieur, je vous assure ; je voulais seulement avoir de vos nouvelles et savoir si Mlle Amy se porte bien.

— Est-ce que cela vous regarde, monsieur ? riposta M. Dorrit.

— Non, monsieur, je sais que ça ne me regarde plus. Je suis bien loin d’oublier la distance qui nous sépare, soyez-en sûr. Je