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un récit clair et net, reprit M. Dorrit, oserais-je vous adresser… quelque chose comme trois questions ?

— Trente si vous voulez.

— Y a-t-il longtemps que vous connaissez M. Blandois ?

— Pas deux mois. M. Flintwinch que voilà, en consultant ses livres, vous dira quand il nous a été recommandé par un correspondant de Paris, si ce renseignement peut vous satisfaire, ajouta Mme Clennam. Pour nous, cela ne nous a pas servi à grand’chose.

— Vous a-t-il fait de nombreuses visites ?

— Non. Il n’est venu que deux fois. Une fois avant et…

— … L’autre fois, souffla M. Flintwinch.

— Et l’autre fois.

— Puis-je vous demander, madame, continua M. Dorrit, qui, à mesure qu’il retrouvait son sang-froid, commençait à se figurer qu’il représentait une espèce de commissaire de police d’un ordre supérieur, puis-je vous demander, pour la plus grande satisfaction du gentleman que j’ai l’honneur de… ha !… patronner ou de protéger, disons plutôt… hem !… de connaître… de connaître… si le sieur Blandois est venu ici pour affaires à la date indiquée sur cette affiche ?

— Pour ce qu’il appelait une affaire.

— Pardon, et cette affaire était-elle de nature à pouvoir être communiquée ?

— Non. »

Cette réponse laconique était évidemment une barrière infranchissable.

« On nous a déjà adressé cette question, continua Mme Clennam, et nous avons toujours répondu : Non ! Nous ne tenons pas à ébruiter nos transactions par toute la ville, quelque peu importantes qu’elles puissent être. Nous répondons : Non !

— Je voulais savoir, par exemple, s’il n’aurait pas emporté de l’argent sur lui ? demanda M. Dorrit.

— Pas d’argent à nous, monsieur ; il n’a rien reçu ici.

— Je présume, remarqua M. Dorrit, dont le regard alla de Mme Clennam à M. Flintwinch, puis de M. Flintwinch à Mme Clennam, que vous ne pouvez pas vous rendre compte de ce mystère ?

— Et pourquoi présumez-vous cela ? répondit Mme Clennam. »

Déconcerté par cette question, faite d’un ton froid et sec, M. Dorrit ne put expliquer le motif de cette supposition.

« Je m’explique très-bien ce mystère, monsieur, poursuivit la dame après un silence embarrassé de M. Dorrit, car je suis persuadée que le sieur Blandois est en voyage ou qu’il se cache.

— Lui connaissez-vous… ha !… quelques raisons pour se cacher ?

— Non. »

Ce non, aussi absolu que le premier, éleva une nouvelle barrière.