parlé de mes affaires ; occupons-nous de celles des autres : où est-Elle ? » Le Juif, qui en ce moment retire la main de sa houppelande, s’arrête court et tressaille. « Oh ! dit Fascination, je ne m’attendais pas à cela. Où l’avez-vous cachée ? »
Pris au dépourvu, le vieillard regarde le jeune homme d’un air troublé qui amuse singulièrement celui-ci.
« Est-elle à Sainte-Mary-Axe, dans la maison dont je paye les impôts et le loyer ?
— Non, monsieur.
— Dans le jardin que vous avez sur le toit ? continue Fledgeby,
— Non, monsieur.
— Alors où est-elle ? »
Le vieillard baisse la tête et paraît se demander s’il peut répondre à cette question sans manquer à sa parole ; puis il relève lentement les yeux et regarde le maître en silence, comme s’il était résolu à ne rien dire.
« Je ne vous presse pas de répondre, continue Fledgeby ; seulement n’oubliez pas que je veux le savoir, et que je le saurai. Quelle est votre intention ? » Mister Riah fait un geste d’excuse de la tête et des mains : il ne comprend pas ce qu’on lui demande. « Impossible ! reprend le gentleman. À votre âge, et tourné comme vous l’êtes ; vous dont les membres tremblants… Mais vous ne connaissez pas les vers chrétiens ; bref, un ancien patriarche, une vieille quille branlante comme vous. Non ; vous n’êtes pas l’amant de cette fille ?
— Oh ! monsieur, dit le vieillard d’un ton de reproche ; oh ! monsieur ! monsieur ! …
— En ce cas, demande Fledgeby dont la figure se colore légèrement, pourquoi ne pas dire le motif qui vous fait tremper votre cuiller dans la soupe ?
— Vous allez le savoir, monsieur ; toutefois à une condition ; veuillez me le pardonner, si je vous le demande, mais promettez-moi le secret le plus absolu ; il y va de mon honneur et du repos…
— Votre honneur, s’écrie Fascination en faisant une moue railleuse ; l’honneur d’un Juif ! C’est bien ; marchez, je vous écoute.
— Vous promettez le secret, et sur l’honneur ? reprend le vieillard avec fermeté.
— Certainement, sur l’honneur le plus pur, » répond Fledgeby.
Le vieillard, qui n’est pas invité à s’asseoir, pose la main sur le dossier du fauteuil où le jeune homme est allongé, regardant le feu, la figure attentive, et prêt à saisir ce qui pourra échapper au narrateur.
« Allons, dit Fledgeby, votre motif ?