Page:Dickens - L'Ami commun, traduction Loreau, 1885, volume 2.djvu/101

Cette page a été validée par deux contributeurs.
97
L’AMI COMMUN.

que ne pouvons-nous pas trouver ? Tout au monde, vous m’accorderez bien cela.

— Mauvaise affaire, répondit Vénus. Je me suis engagé trop vite ; je n’avais pas réfléchi. Votre Boffin connaît ses monticules mieux que nous ; il connaissait le défunt, ses habitudes, ses manières ; a-t-il jamais fait la moindre fouille, montré l’espoir de trouver quelque chose ? »

Le bruit d’une voiture se fit entendre.

« Je m’en serais voulu, dit Wegg d’un air blessé, si j’avais pu le croire capable de venir à pareille heure. Néanmoins je pense que c’est lui. »

On sonna à la porte de la cour.

« Précisément ! Je le regrette, continua le littérateur ; j’aurais aimé à lui conserver un peu d’estime. »

On entendit mister Boffin crier à pleins poumons : « Holà ! hé ! Wegg !

— Restez assis, Vénus ; il est possible qu’il n’entre pas, dit l’homme de lettres, qui à son tour se mit à crier : Oui, monsieur ; je suis à vous, une seconde ! j’accours aussi vite que le permet ma pauvre jambe. » Et le rusé compère, sa chandelle à la main, fit courir son pilon d’un air de joyeux empressement. Arrivé près du cab, il aperçut mister Boffin entouré d’une masse de livres.

« Aidez-moi, Silas, dit le vieux boueur avec animation, aidez-moi ! Je ne veux pas descendre que la voiture ne soit débarrassée ; vous voyez bien. C’est l’Annual Register, Wegg ! une charretée de vol… lumes ! Connaissez-vous ça ?

— L’animal register, monsieur ! répondit le fourbe ; mais j’y trouverais n’importe quel animal les yeux fermés ; j’en ferai le pari quand on voudra.

— Voici autre chose, le Musée des Merveilles, reprit Boffin ; le Museum de Kirby ; les Caractères de Caulfield, ceux de Wilson, et quelles histoires, Wegg ! quelles histoires ! Il faut m’en lire une ou deux tout de suite. Vous n’imaginez pas les endroits où ils cachaient leurs guinées ; c’est merveilleux. Tenez bien ces volumes, Wegg ; prenez garde ! ils tomberaient dans la boue. Est-ce qu’il n’y a personne dans le voisinage qui pourrait nous aider ?

— J’ai là, monsieur, un de mes amis, qui était venu avec l’intention de passer la soirée avec moi, et que j’ai gardé, lorsqu’à mon vif regret, j’ai pensé que vous ne viendriez pas ce soir.

— Appelez-le ! il nous donnera un coup de main, s’écria Boffin. Ne laissez pas tomber celui-là ; c’est Dancer. Sa sœur et lui, ils ont fait des pâtés avec un mouton mort qu’ils avaient