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LE CRICRI DU FOYER.

cet après-midi ! lui dit John, je crois vraiment que j’aurais mieux fait tout cela moi-même. »

Après cette remarque sans malice, John sortit, et bientôt on entendit dans la rue la vive musique de Boxer, du vieux cheval et de la voiture. Caleb seul n’entendit rien, toujours immobile, toujours rêveur et regardant sa fille avec la même expression.

« Berthe, dit-il enfin avec douceur, qu’est-il arrivé ? Combien vous êtes changée en quelques heures, ma chère fille ! Depuis ce matin, vous avez été silencieuse et triste… toute la journée… qu’y a-t-il ? dites-moi.

— Ô mon père ! mon père ! s’écria la jeune aveugle fondant en larmes, ô mon sort ! mon cruel sort ! »

Caleb s’essuya les yeux avec la main avant de lui répondre.

« Mais songez combien vous étiez heureuse et gaie, Berthe ! combien vous étiez bonne, combien vous étiez aimée, et par plusieurs personnes.

— C’est ce qui me fend le cœur, cher père, si prévenant et si attentif pour moi, si bienveillant pour moi. »

Caleb tremblait de la comprendre.

« Être… être aveugle, Berthe, ma pauvre fille… c’est, ajouta-t-il en bégayant, une grande affliction, mais…

— Je ne l’ai jamais ressentie, s’écria la jeune fille, jamais complètement, du moins, jamais. J’ai quelquefois