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LE CRICRI DU FOYER.

jeter sa gourme dans sa jeunesse, et après avoir épuisé toute la malignité de sa nature envers ceux qui seraient tombés sous sa main, il aurait pu devenir enfin bon et aimable pour essayer quelque chose de nouveau ; mais réduit à exercer son instinct et ses appétits pervers dans le cercle étroit des paisibles occupations d’un marchand de joujoux, il était resté un ogre domestique, qui se nourrissait de petits enfants et se montrait leur implacable ennemi. Il méprisait tous les joujoux. Il n’en eût pas acheté un pour rien au monde. Il s’amusait, dans sa malice, à donner une expression de physionomie farouche aux rustres basanés qui conduisent leurs porcs au marché, aux crieurs publics qui promettent une récompense à qui retrouvera une conscience d’avocat perdue, aux vieilles femmes reprisant des bas ou découpant un pâté, et autres personnages qui meublaient sa boutique. Son cœur se dilatait quand il inventait un nouveau masque pour ces sorciers hideux et aux yeux rouges qu’on emprisonne dans une boîte, sorciers, vampires ou diablotins, qui s’élancent sans cesse pour faire peur aux enfants. Oui, il trouvait là sa consolation unique et sa gloire, sa distraction et son bonheur. Perpétuellement à la recherche d’un type de laideur, il imaginait chaque jour quelque croquemitaine ou cauchemar nouveau[1], et il avait même perdu

  1. Il y a dans le texte un poney-cauchemar, — nightmare, signifiant littéralement cheval ou cavale de nuit.