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LES CARILLONS.

épaisses et trop impénétrables pour réfléchir l’ombre d’aucune demeure de vivants.

À la rivière ! c’est vers cette porte de l’éternité qu’elle dirigeait ses pas désespérés avec une vitesse égale à celle des flots courant à la mer. Trotty essaya de la toucher lorsqu’elle le dépassa dans sa course ; mais rien ne pouvait plus arrêter cette infortunée, entraînée par le délire et le désespoir, cette mère qui n’écoutait plus que l’instinct farouche et terrible de son amour.

Il la suivit : elle s’arrêta un moment sur la rive avant de se précipiter. Trotty tomba à genoux, implorant avec un cri lamentable les esprits des cloches qui l’entouraient.

« Je l’ai reçue, cette leçon, disait-il, je l’ai reçue de l’être le plus cher à mon cœur Oh ! sauvez-la ! sauvez-la ! »

Il put enfin cramponner ses doigts à sa jupe et la retenir. En prononçant sa prière, il sentit renaître en lui le sens du toucher et la force de saisir sa fille.

Les spectres le regardaient d’un air sérieux.

« J’ai reçu la leçon, répéta le vieillard… ah ! ayez pitié de moi en ce moment ; pardonnez, si, dans mon amour pour elle, pour elle si jeune et si belle, j’ai outragé la Nature par ma condamnation des mères poussées au désespoir ! Ayez pitié de ma présomption, de mes pensées coupables, de mon ignorance et sauvez-la. »