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LE CRICRI DU FOYER.

férent ! L’avoir eu près de moi, tous les jours, si plein de soins pour moi, sans jamais me douter de cela !

— Berthe, dit le pauvre Caleb, ce père si élégant, avec son bel habit bleu ! il est parti !

— Rien n’est parti, répondit-elle, père bien-aimé, non ! tout est ici, en vous ! Le père que j’ai tant chéri ; le père que je ne chérissais pas assez encore, et que je ne connaissais pas ; le bienfaiteur que j’ai tant révéré et puis aimé, parce qu’il avait pour moi une sympathie si tendre ; tout est ici, en vous ; rien n’est mort pour moi ; l’âme de tout ce qui m’était le plus cher est ici… avec ce visage ridé, cette tête blanche ! Je ne suis plus aveugle, mon père, NON, je ne le suis plus ! »

Pendant que Berthe parlait, Dot avait concentré toute son attention sur le père et la fille ; mais ayant levé les yeux vers le petit faucheur, dans la prairie moresque, elle vit que l’heure allait sonner, et elle éprouva aussitôt une agitation nerveuse.

« Mon père, Marie… dit Berthe en hésitant.

— Oui, ma chère, répondit Caleb, elle est là.

— Il n’y a aucun changement en elle. Vous ne m’avez jamais rien dit d’elle qui ne fût vrai.

— Je l’aurais fait, ma chère, j’en ai peur, si j’avais pu la peindre meilleure qu’elle n’était. Mais je n’aurais pu la changer qu’à son désavantage, si je l’avais changée le moins du monde. Elle est parfaite, Berthe. »

Avec quelque confiance que la jeune aveugle attendît la réponse à sa question, il était charmant de voir