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Elle contemple en souriant la rougeur et les yeux baissés de la jeune fille.

« Est-ce le petit-fils de mistress Rouncewell ?

— Oui, milady… je ne sais pas si je l’aime… et cependant…

— Et cependant quoi ? chère petite folle ! Savez-vous qu’il vous aime, lui ?

— Je le suppose, milady ; » et Rosa fond en larmes.

Est-ce bien lady Dedlock qui est à côté de cette jeune villageoise, dont elle caresse les cheveux d’une main toute maternelle, et sur qui ses yeux rêveurs se reposent avec un si tendre intérêt ? Oui, c’est bien cette femme ordinairement si fière.

« Écoutez-moi, chère enfant, vous êtes jeune et sincère, et je crois que vous m’êtes attachée.

— Oh ! oui, milady ; je ferais tout au monde pour vous prouver mon dévouement.

— Et je ne crois pas que vous vouliez me quitter aujourd’hui, même pour un amoureux.

— Non, milady ; oh ! non ! Rosa lève les yeux pour la première fois, tout effrayée de cette pensée.

— Ayez confiance en moi, chère enfant ; n’ayez pas peur ; je désire que vous soyez heureuse, et je ferai tout pour cela, si je puis, ici-bas, faire le bonheur de quelqu’un. »

Rosa se met à genoux devant milady et lui baise les mains, qu’elle couvre de ses pleurs ; milady prend la main de la jeune fille, la retient quelque temps entre les siennes, et la laisse échapper graduellement ; ses yeux sont tournés vers la cheminée ; Rosa, la voyant absorbée dans sa rêverie, se retire doucement, et le regard de milady est toujours fixé sur la flamme du foyer.

À quoi pense-t-elle ? Qui sait ? peut-être à une autre main qui n’est plus, qui ne fut jamais, et dont le simple attouchement aurait comme par magie transformé son existence ? ou bien est-ce le bruit de la terrasse qu’elle écoute, en se demandant s’il ressemble au pas d’une femme… ou plutôt si ce n’est pas le piétinement d’un petit enfant qui va toujours…, toujours ?

Une secrète influence agit sur elle ; autrement pourquoi cette femme si fière aurait-elle fermé sa porte et resterait-elle ainsi près de ce foyer où elle est seule ?

Volumnia quitte le lendemain Chesney-Wold, et tous les cousins partent dans la journée ; pas un qui ne soit étonné d’entendre sir Leicester parler tout le temps du déjeuner du morcellement des propriétés, de la destruction des digues, de la