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nonce l’intention de prendre la parole. M. Rouncewell, reprend sir Leicester, nos idées sur les devoirs et l’éducation des diverses classes de la société, sur tout en général, sont tellement opposées, qu’il est inutile de prolonger plus longtemps une discussion qui ne peut que blesser vos sentiments et les miens. Cette jeune fille est honorée de l’attention et de la faveur de milady ; si elle veut renoncer à cette faveur, si elle préfère se placer sous l’influence d’une personne qui, d’après ses opinions particulières, permettez-moi de le dire (bien que je reconnaisse que cette personne n’a pas à les justifier devant moi), qui, d’après ses opinions particulières, croit devoir l’enlever à cette faveur, elle est complétement libre de le faire. Nous vous remercions de la franchise avec laquelle vous nous avez parlé ; cette franchise n’influera en aucune manière sur la position de la jeune personne dans le château, si elle désire la conserver. Il ne me reste plus rien à dire à cet égard, et je vous prierai, monsieur, d’être assez bon… pour parler d’autre chose. »

Le maître de forges attend un instant pour donner à milady l’occasion d’exprimer sa pensée ; mais, voyant qu’elle reste silencieuse, il se lève et se dispose à se retirer.

« Sir Leicester et lady Dedlock, permettez-moi, dit-il, de vous remercier de l’attention que vous m’avez accordée ; je vais recommander sérieusement à mon fils de vaincre l’inclination qu’il a pour cette jeune fille ; j’ai l’honneur de vous souhaiter le bonsoir.

— Monsieur Rouncewell, dit sir Leicester avec toute la grâce et la dignité d’un gentleman, il est tard, la nuit est sombre ; j’espère que vous n’êtes pas tellement pressé que vous ne puissiez permettre à milady, ainsi qu’à moi, de vous offrir l’hospitalité de Chesney-Wold, au moins jusqu’au matin.

— Je l’espère également, ajoute Sa Seigneurie.

— Je vous suis fort obligé, sir Leicester et milady ; mais il faut que je parte immédiatement afin de ne pas manquer le rendez-vous auquel je suis attendu. »

Le maître de forges s’éloigne ; le baronnet tire le cordon de la sonnette et milady se lève au moment où M. Rouncewell va sortir du salon. Quand elle est rentrée dans son boudoir, elle s’assied pensive au coin du feu ; et, sans faire attention au bruit de pas qu’on entend sur la terrasse, elle regarde Rosa, qui écrit dans la chambre voisine, et finit par l’appeler.

« Mon enfant, lui dit-elle, parlez-moi sincèrement ; est-il vrai que vous aimez quelqu’un ?

— Oh ! milady ! »