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est très-jeune ainsi que la jeune fille ; il doit, en outre, se faire une position avant de songer à s’établir, et l’époque de son mariage est, quant à présent, hors de question. Mais si je consens aux fiançailles, toujours en supposant que mon fils soit accepté par Rosa, je crois devoir déclarer que j’y mets pour condition, et je suis sûr que vous me comprendrez, sir Leicester et milady, que cette jeune fille ne restera pas à Chesney-Wold ; c’est pourquoi, avant d’aller plus loin, je prends la liberté de vous dire que, si l’éloignement de Rosa soulevait quelque objection de votre part, je laisserais cette affaire où elle en est aujourd’hui, et je détournerais mon fils d’un mariage qui ne saurait avoir lieu. »

Ne pas rester à Chesney-Wold ! en faire une condition ! tous les vieux pressentiments de sir Dedlock relatifs à Wat Tyler et à ces forgerons qui ne font pas autre chose que de courir les rues à la lueur des torches, viennent en foule assaillir son esprit ; et ses cheveux se dressent sur sa tête, ses favoris se hérissent, tant il est indigné.

« Milady et moi devons-nous comprendre, M. Rouncewell, dit-il en faisant intervenir milady, non-seulement par galanterie, mais encore par respect pour le jugement élevé qui la caractérise ; milady et moi devons-nous comprendre que vous trouvez cette jeune fille déplacée à Chesney-Wold, et que vous considérez le séjour qu’elle fait ici comme pouvant lui être nuisible ?

— Assurément non, sir Leicester.

— Je suis bien aise de vous l’entendre dire, répond le baronnet d’un ton de suprême, hauteur.

— M. Rouncewell, dit milady en interrompant sir Leicester, qu’elle écarte d’un geste de sa belle main comme elle eût fait d’une mouche, expliquez-moi ce que vous avez voulu dire.

— Très-volontiers, milady, car je désire vivement que Votre Seigneurie veuille bien me comprendre. »

Lady Dedlock tourne vers la figure énergique du Saxon un visage impassible, dont le calme étudié ne parvient pas, néanmoins, à dissimuler un intérêt trop vif pour ne pas se trahir, en dépit d’elle-même ; elle écoute avec attention les paroles du maître de forges et fait de temps en temps un léger signe de tête.

«  Je suis le fils de votre femme de charge, dit M. Rouncewell, et j’ai passé mon enfance à Chesney-Wold ; ma mère est dans ce château depuis un demi-siècle, et c’est ici qu’elle mourra, je n’en doute pas, lady Dedlock ; elle est un de ces exemples d’attachement et de fidélité domestiques dont l’Angleterre peut à bon