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dans le salon) ; milady est en face de lui, à côté de sa table particulière. Volumnia, en sa qualité de cousine privilégiée, est assise entre eux, dans un immense fauteuil ; le baronnet jette un regard mécontent sur le rouge et le collier de perles de sa cousine.

«  Je rencontre quelquefois dans mon escalier, dit languissamment Volumnia, dont l’esprit s’est peut-être endormi pendant cette longue soirée de conversation à bâtons rompus, je rencontre l’une des plus jolies personnes que je crois avoir jamais vues.

— Une protégée de milady, répond sir Leicester.

— Je l’ai pensé ; j’ai senti qu’un œil supérieur devait avoir découvert cette jeune fille ; c’est vraiment une merveille ; peut-être une beauté un peu insignifiante ; mais parfaite dans son genre, dit Volumnia, mettant hors ligne comme de raison son propre genre de beauté ; je n’ai jamais vu de pareille fraîcheur. »

Sir Leicester est du même avis, et jette un regard mécontent sur le rouge de Volumnia.

«  S’il y a dans cette affaire une supériorité quelconque, dit alors milady, ce n’est pas à moi qu’il faut en faire honneur, mais à mistress Rouncewell, qui a découvert Rosa.

— Je suppose qu’elle est votre femme de chambre ?

— Non ; elle est ma favorite, mon secrétaire ; elle fait mes commissions, une infinité de choses.

— Vous aimez à l’avoir auprès de vous, comme une fleur, un oiseau, un pastel ou un caniche… Non, non, pas un caniche ; mais, dans tous les cas, un objet ravissant, dit Volumnia d’un air attendri ; elle est délicieuse ; et que cette bonne mistress Rouncewell a un air respectable et bien portant ! Elle doit être horriblement âgée ; mais comme elle est encore belle et active ! c’est bien la meilleure amie que je me connaisse. »

Le baronnet trouve qu’il est juste et naturel que la femme de charge de Chesney-Wold soit une personne remarquable ; il a d’ailleurs une profonde estime pour mistress Rouncewell, et il aime à entendre faire son éloge ; aussi répond-il à Volumnia qu’elle a raison, ce qui enchante cette chère cousine.

« Je crois qu’elle n’a jamais eu de fille ? demande-t-elle.

— Mistress Rouncewell ? non, mais elle a un fils ; elle en a même deux. Et c’est un exemple remarquable du désordre où notre siècle est arrivé, du renversement de toute barrière, de la rupture de toutes les digues sociales, de la confusion des rangs et des classes, ajoute le baronnet avec une sombre dignité ; j’ai appris par M. Tulkinghorn, qu’on avait offert au fils de mistress Rouncewell la candidature au Parlement ! »