Page:Dickens - Bleak-House, tome premier.pdf/361

Cette page a été validée par deux contributeurs.

main ses lunettes et leur antique étui ; froid et sec dans ses manières, la voix sourde, l’œil au guet derrière un masque impassible, dont l’expression habituelle est peut-être le mépris ; et le peerage pourrait bien avoir, après tout, de plus chauds adorateurs et des fidèles plus sincères que M. Tulkinghorn.

«  Bonjour, monsieur Smallweed, bonjour ! dit-il en entrant ; vous l’avez amené, à ce que je vois ; asseyez-vous, sergent. »

Et, tout en ôtant ses gants et les mettant dans son chapeau, il regarde, entre ses paupières demi-closes, du côté où est assis M. Georges et se dit peut-être en lui-même : « Vous ferez l’affaire, mon ami. »

«  Asseyez-vous, sergent, répète l’avoué en se mettant à son bureau qui est auprès du feu et en s’asseyant dans son fauteuil. Il fait ce matin un froid pénétrant, dit-il en se chauffant alternativement la paume des mains et le dessus des doigts, et en regardant (toujours derrière son masque) le trio qui forme un hémicycle devant lui.

Monsieur Smallweed, voilà que je commence à me reconnaître ;… vous avez amené, à ce que je vois, notre bon ami le sergent.

— Oui, monsieur, répond l’avare entièrement dévoué à la fortune et à l’influence du procureur

— Et que dit-il de cette affaire ?

— Monsieur est le gentleman dont je vous ai parlé, monsieur Georges, » dit le grand-père Smallweed en montrant l’avoué de sa main tremblante et ridée.

L’ancien militaire salue le gentleman et se redresse immédiatement sans proférer une parole ; son attitude est pleine de roideur, et il est assis sur le bord de sa chaise comme s’il avait encore sur le dos son fourniment complet.

« Eh bien ! Georges…, dit M. Tulkinghorn, c’est ainsi que vous vous appelez ?

— Oui, monsieur.

— Eh bien ! Georges, que dites-vous ?

— Mille fois pardon, monsieur ; mais je désirerais d’abord savoir ce que vous dites vous-même.

— De la récompense ?

— Mais de tout, monsieur. »

Cette réponse irrite tellement M. Smallweed, qu’il s’écrie avec colère : « Vieille bête ! » Puis se reprenant tout à coup, il demande pardon à M. Tulkinghorn et s’excuse en disant à Judy : « Je pensais à votre grand’mère, ma fille. »

«  J’avais cru, dit l’avoué en s’appuyant sur l’un des bras de