Page:Dickens - Bleak-House, tome premier.pdf/347

Cette page a été validée par deux contributeurs.

papetier jusqu’à l’entrée du salon et se dirige ensuite vers l’étage supérieur. Désormais, en quelque lieu qu’il soit, il est suivi d’une ombre qui n’est pas la sienne, mais qui n’est pas moins obstinée ; et qu’il prenne garde aux secrets renfermés dans l’atmosphère où il passe, car sa vigilante petite femme la traverse avec lui, sa petite femme, les os de ses os, la chair de sa chair, l’ombre de son ombre.


CHAPITRE XXVI.

Aigrefins.

On est en hiver, et le matin, regardant avec ses yeux ternes et sa face pâle les environs de Leicester-square, trouve les habitants de cette région peu disposés à se lever ; car pour la plupart ce sont des oiseaux de nuit qui dorment pendant que le soleil brille, et qui s’éveillent pour guetter leur proie dans l’ombre au moment où les étoiles paraissent. Là, au dernier étage, ou dans les greniers, derrière de vieux volets et des rideaux crasseux, cachés plus ou moins sous de faux noms, de faux titres, de faux cheveux, de faux bijoux, de fausses histoires, repose une colonie de brigands, plongés dans leur premier sommeil. Gentlemen du tapis vert, pouvant, d’après leur propre expérience, parler des bagnes étrangers et des cachots nationaux ; espions politiques que la peur fait trembler ; misérables traîtres et lâches de toute espèce : joueurs, bretteurs, escrocs, faux témoins et chevaliers d’industrie, renfermant en eux plus de cruautés que Néron, plus de crimes que Newgate ; car si mauvais que le diable puisse se montrer en blouse et en veste de futaine, il est encore plus infernal et plus noir quand il porte un brillant à sa chemise ; quand il s’appelle gentleman, tient une carte, joue au billard, se connaît en lettres de change et en billets à ordre ; et c’est précisément sous cette forme que M. Bucket est toujours sûr de le rencontrer lorsqu’il juge à propos de parcourir les affluents de Leicester-square.

Mais ce jour d’hiver, en paraissant, réveille M. George et son fidèle serviteur ; ils se lèvent tous les deux, et chacun roule son matelas qu’il remet à sa place. M. George, après avoir fait sa barbe devant un miroir d’une extrême petitesse, va dans la cour,