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l’augmenter. Quand je n’y serai plus, Judy reprendra les fleurs, et vous resterez chez l’avoué. »

Un observateur attentif aurait pu découvrir dans les yeux du frère et de la sœur quelque impatience de savoir quand viendrait l’époque où le grand-père ne serait plus.

«  Maintenant, dit la sœur jumelle de Bart, si tout le monde a fini, je vais appeler la fille, pour qu’elle vienne prendre son thé ; elle n’en finirait pas si elle le mangeait toute seule dans la cuisine. »

Charley est donc introduite dans le parloir ; et, sous le feu croisé des yeux de toute la famille, elle s’assied devant la tasse de thé auprès de laquelle se trouvent les débris de pain et de beurre qui lui sont destinés. Judy Smallweed, tout entière à la surveillance qu’elle exerce sur cette jeune fille, semble remonter à l’âge des formations géologiques et dater des périodes les plus reculées ; elle a une certaine manière de se précipiter sur Charley et de la tenir sous sa griffe qui annonce dans l’art de mener les servantes un degré de perfection qu’atteignent rarement les plus vieilles praticiennes.

«  Allons, allons, ne regardez pas pendant une heure ; dépêchez-vous de manger et de retourner à votre ouvrage, s’écrie-t-elle en branlant la tête et en frappant du pied au moment où elle surprend le coup d’œil que la pauvre Charley jette au fond du grand bol.

— Oui, miss, dit l’enfant avec douceur.

— Ne répondez pas, c’est du temps perdu ; est-ce que je ne sais pas ce que vous valez toutes ? Faites-le sans rien dire, et je commencerai à vous croire. »

Charley avale en signe d’obéissance la moitié de son bol de thé, et fait disparaître les débris de pain et de beurre avec un tel empressement, que Judy lui reproche de se livrer à la gourmandise : « Ces petites filles-là, dit-elle, sont vraiment dégoûtantes. » Charley aurait bien envie de contredire à cet égard l’opinion de miss Smallweed, mais un coup retentissant se fait entendre à la porte de la rue.

«  Voyez qui c’est ; et ne mâchez pas en ouvrant la porte, » s’écrie Judy.

Charley se dirige vers le couloir ; miss Smallweed profite de la circonstance pour ramasser les restes de pain et de beurre et pour plonger dans le bol où se trouve le thé de Charley deux tasses sales, afin d’insinuer à « la fille » que son repas est terminé.

«  Qui est-ce ? et qu’est-ce qu’on demande ? reprend Judy avec aigreur.