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trant de bonne heure dans les affaires et se mariant sur le retour, travailla sans cesse à développer ses qualités pratiques ; s’éloigna de tout plaisir, repoussa tous les livres, les contes de fées, les fictions, les fables de toute espèce, et bannit d’auprès d’elle tout ce qui portait un caractère de frivolité stérile. De là cet avantage qu’elle avait eu de ne produire, au lieu d’enfants, que de petits hommes et de petites femmes, assez complets, et ressemblant dès leur jeune âge à de vieux singes avec moins d’intelligence.

Le grand-père et la grand’mère Smallweed, chargés d’années, sont, pour le moment, assis de chaque côté de la cheminée, dans un grand fauteuil recouvert en crin, et filent des heures d’or et de soie au fond d’un petit parloir sombre, situé à plus d’un pied au-dessous du niveau de la rue ; pièce froide et maussade, ayant pour tout ornement la serge grossière dont la table est couverte, et un plateau, simple feuille de tôle, offrant dans sa nudité, dans ses angles, dans tout son aspect décoratif, une assez bonne allégorie de l’esprit du vieux Smallweed. Sur le fourneau sont deux trépieds destinés à poser les pots et les chaudrons que le grand-père a pour fonction habituelle de surveiller ; de la cheminée se projette une espèce de potence qui sert de tournebroche et dont la direction est également confiée à M. Smallweed lorsque, par aventure, on fait un rôti dans la famille. Sous le fauteuil du vieillard, et gardé par les jambes en fuseau de ce vénérable grand-père, est un tiroir qui contient, dit-on, des richesses fabuleuses ; à côté de M. Smallweed est un coussin dont il est toujours pourvu, afin d’avoir quelque chose à jeter à la tête de sa femme toutes les fois qu’elle parle d’argent, car c’est un sujet sur lequel M. Smallweed est extrêmement chatouilleux.

« Où donc est Bart ? demande-t-il à Judy, sœur, jumelle de son petit-fils.

— Il n’est pas encore rentré, répond Judy.

— N’est-il pas l’heure du thé ?

— Non.

— De combien s’en manque-t-il ?

— De dix minutes.

— Hein ?

— De dix minutes, répète Judy en élevant la voix.

— Ah ! dix minutes. »

La grand’mère Smallweed, qui, pendant ce temps-là, marmotte des mots sans suite en faisant des signes de tête aux trépieds qui sont sur le fourneau, entendant nommer un chiffre