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M. Jobling est sur le point d’interrompre l’orateur, quand M. Smallweed fait entendre une toux sèche qui l’en empêche.

«  Cette affaire se divise en deux points, poursuivit M. Guppy, » voilà le premier ; passons maintenant au second : vous connaissez Krook le chancelier, Jobling, celui dont la boutique est de l’autre côté de Chancery-Lane ?

— Je le connais de vue, répond Jobling.

— Fort bien ; vous connaissez miss Flite ?

— Qui est-ce qui ne la connaît pas ?

— Très-bien. Depuis quelque temps, je suis chargé de remettre à miss Flite une certaine rente hebdomadaire sur laquelle je prélève le montant de son loyer de la semaine, que je paye à Krook lui-même, en présence de miss Flite, suivant les instructions qui m’ont été données. Cette circonstance m’a mis en relations avec Krook et m’a fait connaître ses habitudes et sa maison. Je sais donc qu’il a une chambre à louer ; vous pouvez l’avoir presque pour rien et vous y établir sous le nom qui vous plaira ; vous y serez aussi tranquille que si vous étiez à cent milles de Londres ; Krook ne vous fera pas la moindre question et vous acceptera pour locataire au moindre mot que je lui dirai ; cela vous va-t-il ? L’affaire peut être faite avant deux minutes, montre en main. Puis, encore autre chose, continue M. Guppy dont la voix baisse tout à coup et devient plus familière ; Krook est un singulier corps, un vieux drôle, toujours farfouillant dans un tas de vieux papiers où il tâche d’apprendre à lire et à écrire, sans faire le moindre progrès ; bref, un vieux coquin des plus extraordinaires, et cela m’étonnerait qu’il ne valût pas la peine d’être entrepris.

— Vous ne voulez pas dire… commence M. Jobling.

— Je veux dire, reprend M. Guppy en levant les épaules d’un air modeste, que je ne peux rien comprendre à ce vieux drôle ; j’en appelle à notre ami commun Smallweed. J’ai quelque expérience de notre profession et de la vie, Jobling ; et il est rare que je ne devine pas plus ou moins les intentions d’un homme ; mais je n’ai jamais rencontré un pareil dessous de cartes ; un vieux renard, si profond et si mystérieux, bien qu’il ne soit pas toujours sobre. Toutefois, c’est un vieux diable qui doit avoir son prix ; il est tout seul au monde et immensément riche, du moins à ce qu’on prétend. Et qu’il soit contrebandier, recéleur, prêteur sur gages ou usurier, toutes choses qui souvent m’ont paru vraisemblables, vous pouvez avoir un certain bénéfice à le surveiller et à pénétrer ce qu’il peut être. Je ne vois pas pourquoi vous n’entreriez pas chez lui avec cette intention, quand d’ailleurs tout convient d’autre part. »