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Quel beau temps ! quel délicieux voyage ! La brise faisait onduler si gracieusement les blés verts ; l’alouette chantait d’une voix si gaie ; la feuillée était si fraîche et si épaisse ; il y avait tant de fleurs dans les haies, et les champs de fèves emplissaient l’air d’un parfum si pénétrant ! La voiture s’arrêta sur la place du marché, dans une petite ville d’un calme plat, où nous vîmes un clocher, une croix sur la place, une rue tout inondée de soleil, une mare où un vieux cheval rafraîchissait ses jambes, et quelques hommes endormis çà et là, dans quelque coin à l’ombre. Après le mouvement de la route, le bruit du vent dans les feuilles et la houle des blés verts, cette petite ville nous paraissait aussi morne, aussi chaude, aussi paralysée que pouvait l’être une ville d’Angleterre.

M. Boythorn nous attendait à l’auberge avec une voiture découverte pour nous emmener chez lui à quelques milles de distance ; il était à cheval ; en nous voyant il s’empressa de mettre pied à terre.

« Parbleu, s’écria-t-il après nous avoir fait un salut plein de courtoisie, voilà une infâme diligence ! le plus abominable véhicule dont jamais la voie publique ait été encombrée ; vingt-cinq minutes de retard ! le conducteur mériterait d’être pendu.

— En retard ? répondit M. Skimpole ; mais vous savez, cher monsieur, que je ne connais pas les heures.

— Vingt-cinq minutes ! reprit M. Boythorn en consultant sa montre ; et deux femmes dans la voiture ! Cet affreux coquin l’a fait de propos délibéré, car il est impossible que ce soit accidentel ! d’ailleurs, son père et son oncle étaient les plus infâmes débauchés qui aient jamais conduit une diligence. »

Tout en disant ces paroles avec la plus grande indignation, il nous offrait la main avec une extrême politesse, pour nous faire monter en voiture, et son visage n’exprimait que le contentement et le plaisir.

«  Je suis désolé, mesdames, reprit-il en restant découvert auprès du phaéton, d’être forcé d’allonger d’environ deux milles le chemin que vous avez à faire ; mais la route directe traverse le parc de sir Leicester Dedlock ; et j’ai juré de ne pas mettre le pied, ni moi ni mes chevaux, sur les terres du baronnet, tant que les relations qui existent entre nous resteront dans le même état. » Et son regard ayant rencontré celui de M. Jarndyce, il fit entendre un de ses effrayants éclats de rire, qui parut faire sortir un moment de sa torpeur la petite place du marché.

« Les Dedlock sont-ils au château, Laurence ? demanda mon