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songé.) C’est là ma vocation, ajouta-t-il, je n’en ai jamais eu d’autre. Nous l’avons donc trouvée ! D. M.[1] »

Il se mit à rire de tout son cœur, et nous affirma que plus il y pensait, plus il voyait que c’était à cela qu’il était destiné ; que l’art de guérir était le plus beau de tous à ses yeux ; et, se méprenant lui-même sur la joie que lui causait cette découverte, il s’attachait à cette idée, bien moins par suite d’un goût sérieux et réel que pour se débarrasser d’une préoccupation importune. Je voudrais bien savoir si les vers latins ont toujours ce résultat, ou bien si Richard fait exception à la règle.

M. Jarndyce prit la peine de lui en reparler plusieurs fois et d’attirer son attention sur tout ce qu’il y avait d’important dans un choix d’où devait dépendre son existence entière ; Richard avait l’air un peu plus grave après ces entrevues, mais finissait toujours par dire que c’était un parti arrêté, et se mettait aussitôt à parler d’autre chose.

«  Parbleu ! s’écriait M. Boythorn, qui s’intéressait vivement à la solution de cette affaire, ce que je n’ai pas besoin de dire, puisqu’il ne faisait rien avec indifférence, je suis heureux de voir un jeune homme ardent et courageux se vouer à cette noble profession ; le genre humain tout entier profitera de cette ardeur généreuse, à la honte de ces vils entrepreneurs, qui n’ont pas craint de dégrader cet art illustre par la manière dont ils le récompensent. En vérité, les appointements des chirurgiens de marine sont tels, que je voudrais soumettre les bras et les jambes de ces messieurs de l’amirauté à une fracture compliquée, et défendre, sous peine de la déportation, à un médecin quelconque de les leur remettre, si tout le système n’était pas changé dans les quarante-huit heures.

— Tu n’accorderais pas une semaine ? demanda M. Jarndyce.

— Du tout ; quarante-huit heures, pas une minute de plus. Quant aux sacristains, aux fabriciens et autres collections d’imbéciles de toute espèce, qui se rassemblent pour débiter, Dieu sait quels discours, on devrait envoyer tous ces butors dans les mines y terminer leur misérable existence, ne serait-ce que pour les empêcher de souiller par leur baragouinage une langue qui se parle honnêtement, à la face du soleil. Mais, quant à ceux-là, dis-je, qui exploitent l’ardeur avec laquelle d’honorables gentlemen se livrent à la pratique de la plus belle des sciences, et qui osent payer d’inestimables services, de longues et dispendieuses études, par un traitement que n’accepterait pas le der-

  1. Docteur-médecin.