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argent ; et sur l’observation que je me permis de lui faire relativement à l’inconvenance de son langage, car il avait ajouté « c’est elle, » en désignant sa mère : « C’est bon, dit-il, et je voudrais vous y voir ; pourquoi est-ce qu’elle m’attrape en me disant qu’elle me donne de l’argent pour me le reprendre ensuite ? Pourquoi dit-elle que c’est à moi, et qu’elle m’empêche de le dépenser ? c’est bien la peine de parler de ce qu’on me donne par semaine ! » Ces questions brûlantes l’exaspérèrent tellement, ainsi qu’Oswald et Francis, qu’ils me pincèrent tous à la fois, et d’une manière si atroce que j’eus beaucoup de peine à m’empêcher de crier. En même temps Félix me marchait sur les pieds, et l’Enfant de la joie, dont tout l’argent passait en souscriptions, et qui se trouvait condamné par le fait à s’abstenir de gâteaux en même temps que de tabac, devint tellement pourpre de rage quand nous passâmes devant la boutique du pâtissier, que j’en fus vivement effrayée. Jamais enfants ne m’ont fait autant souffrir ; aussi me félicitai-je d’arriver à la maison du briquetier ; pauvre masure pourtant, faisant partie d’un groupe de misérables cabanes situées au milieu d’un terrain argileux, ayant devant la porte un jardin ne produisant autre chose que des flaques d’eau stagnante, avec l’étable aux cochons près des fenêtres brisées ; et çà et là un vieux cuvier pour recevoir, quand il pleut, l’eau qui découle du toit, ou bien rempli d’argile et ressemblant à un gros pâté de boue. Des hommes et des femmes étaient aux fenêtres ou sur les portes et ne semblèrent pas nous voir ; toutefois ils se mirent à ricaner lorsque nous passâmes devant eux et à jaser du beau monde qui ferait mieux de penser à ses affaires que de s’occuper de celles des autres, et de crotter ses souliers pour venir voir ce qui ne le regarde pas.

Mistress Pardiggle ouvrait la marche d’un air déterminé, et tout en parlant des habitudes de désordre et de saleté des gens près desquels nous passions (je doute que la plus soigneuse d’entre nous eût pu être plus propre qu’eux dans un pareil endroit), elle nous conduisit à l’une des masures les plus reculées, dont la chambre d’en bas était à peine assez grande pour pouvoir nous contenir. Dans cette pièce humide et puante se trouvaient une femme ayant un œil poché, assise auprès du feu, et tenant sur ses genoux un petit enfant qui râlait ; un homme ignoble, aux vêtements souillés de boue, qui gisait sur le carreau, où il fumait sa pipe ; un grand garçon qui mettait un collier à un chien, et une fille effrontée, faisant une espèce de savonnage dans une eau épaisse et bourbeuse. Ils nous regardèrent quand nous en-