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BLEAK-HOUSE.

CHAPITRE PREMIER.

Garde et malade.

Il y avait quelques jours seulement que nous étions revenus à Bleak-House, lorsqu’un soir je montai dans ma chambre pour jeter un coup d’œil, par-dessus l’épaule de Charley, sur la page d’écriture qu’elle s’appliquait à faire. En dépit de ses efforts, écrire était pour elle une besogne impossible ; la pauvre enfant paraissait dépourvue de toute influence sur sa plume, qui semblait, au contraire, s’animer entre ses doigts d’une perversité sans égale : elle allait tout de travers, faisait un crochet, s’arrêtait court, éclaboussait et se rebiffait comme un âne sur lequel on est monté sans son agrément. Rien n’était plus drôle que de voir faire des lettres si vieilles par des mains si jeunes ; les unes ridées et chancelantes, les autres si potelées et si fraîches. Elle était pourtant d’une adresse peu commune, et avait, pour bien des choses, les doigts les plus agiles qu’il fût possible de voir.

«  Eh bien ! lui dis-je en regardant une quantité d’O carrés, triangulaires ou en forme de poires de toute espèce, nous faisons des progrès ; si nous pouvions finir par un O qui fût rond, ce serait très-bien, Charley. »

J’en fis un, Charley en fit un autre ; mais sa plume ne voulut ni rejoindre le point de départ, ni s’arrêter convenablement, et l’O de Charley eut une queue.

«  N’importe, lui dis-je, nous y arriverons avec le temps. »

Charley posa la plume, ouvrit et ferma plusieurs fois sa petite main crispée, regarda la page qu’elle venait de faire avec un sérieux où l’orgueil était mélangé de doute, se leva et me fit une révérence en me disant :

«  Merci bien, miss ; vous connaissez une pauvre femme que l’on appelle Jenny ?