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M. Bucket m’expliqua l’importance qu’il attachait à mes réponses ; et après m’avoir demandé si j’avais eu souvent l’occasion de parler à milady, à quelle époque et dans quel lieu s’était passée notre dernière entrevue, comment l’un de mes mouchoirs se trouvait entre ses mains, il me pria de chercher dans mon esprit quelle était la personne qui lui inspirait assez de confiance pour que l’on pût croire qu’elle fût allée chez elle. Je ne pensai d’abord qu’à mon tuteur ; mais je finis par désigner M. Boythorn, dont je me rappelai tout à coup le respect chevaleresque pour le nom de milady, ses premiers engagements avec la sœur de ma mère, et l’influence mystérieuse que les aventures de milady avaient exercée sur la vie de ce gentleman.

« Je sais maintenant quelle direction nous allons suivre, » me dit Bucket après avoir réfléchi quelques minutes ; je crois même qu’il me parla de son plan ; mais j’étais si troublée que je ne compris pas ses paroles.

Il y avait peu de temps que nous étions partis, lorsque nous nous arrêtâmes dans une rue détournée, devant la porte d’une maison qui me parut être un lieu public, et où M. Bucket m’ayant fait entrer, m’approcha un fauteuil qu’il plaça devant un bon feu ; deux officiers de police en uniforme, très-différents des individus que nous rencontrâmes toute la nuit, écrivaient au milieu d’un calme profond que rien ne venait troubler, si ce n’est de temps en temps un coup frappé à quelque porte souterraine, sans que ni l’un ni l’autre y fît attention. Un troisième agent fut appelé ; M. Bucket lui donna tout bas ses ordres, et il sortit pendant que les deux autres écrivirent le signalement de ma mère, dont on me donna connaissance, et qui était vraiment d’une extrême fidélité. L’un de ces signalements fut donné à un quatrième agent, qui partit comme son prédécesseur ; les deux officiers reprirent leurs écritures ; et bien que tout cela se fût expédié avec une rapidité singulière, personne n’avait eu l’air de se presser.

« Êtes-vous bien enveloppée, miss Summerson ? me demanda M. Bucket en se chauffant les pieds l’un après l’autre. Il fait un froid excessif, et c’est une nuit bien rude pour une femme. »

Je lui répondis que je m’inquiétais peu du froid ; que j’étais d’ailleurs chaudement vêtue.

« Notre course peut être longue, reprit-il ; mais l’important est que nous réussissions.

— Dieu le veuille ! répondis-je.

— Ne vous tourmentez pas, me dit-il en me faisant un signe