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Cette victoire obtenue, et la journée s’avançant, mistress Bagnet parle de se séparer.

« Où conduisez-vous ma mère ? demande Georges après avoir serré longtemps la vieille dame sur son cœur.

— À l’hôtel de sir Dedlock, mon enfant, répond mistress Rouncewell, c’est là que je compte rester ; d’ailleurs une affaire pressante m’y appelle.

— Voudriez-vous prendre une voiture, mistress Bagnet, et accompagner ma mère ? Je ne sais pas pourquoi je vous le demande, car je ne doute pas que vous ne l’eussiez fait sans cela, dit M. Georges. Emmenez-la donc, ma vieille amie, et croyez à ma profonde gratitude. Embrassez pour moi Québec et Malte ; mille amitiés à mon filleul ; une poignée de main à ce bon Lignum, et cela pour vous, mon excellente amie ; je regrette que ce ne soit pas dix mille livres en or, » ajoute l’ancien dragon en baisant avec respect le front tanné de mistress Bagnet… Et la porte de sa cellule se referme sur lui l’instant d’après.

Nulle instance, de la part de la bonne femme de charge, ne peut persuader à la vieille de garder la voiture pour se rendre chez elle. Mistress Bagnet saute gaiement du fiacre à la porte de l’hôtel, donne la main à mistress Rouncewell pour l’aider à monter les marches du perron et s’éloigne en toute hâte ; elle se retrouve bientôt dans le sein de sa famille et se met immédiatement à laver des légumes, comme s’il ne s’était rien passé depuis la veille.

Milady est seule dans la chambre où elle reçut la visite de M. Tulkinghorn, et regarde la place où le vieillard l’étudiait à loisir pendant cette dernière entrevue, lorsqu’un léger coup est frappé à sa porte.

« Mistress Rouncewell ! qu’est-ce qui peut l’amener à Londres ?

— Un événement bien triste, une inquiétude affreuse ; milady, puis-je vous demander un instant d’entretien ?

— Asseyez-vous, et reprenez un peu haleine.

— Milady, j’ai retrouvé mon fils, mon Georges, celui que j’avais perdu depuis tant d’années, et il est en prison.

— Pour dettes ?

— Oh ! non, milady, elles seraient déjà payées.

— Alors pourquoi l’a-t-on arrêté ?

— Sous prévention d’un meurtre dont il est innocent, milady ; on l’accuse de la mort de M. Tulkinghorn. »

Pourquoi ce regard suppliant, ces bras tendus vers milady ; et quelle est cette lettre qu’elle tient d’une main tremblante ?

« Milady, chère et bonne lady ! vous aurez pitié de moi, et