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la tête avec colère, d’une bonne qualité de son… pour un ami… sans regarder à l’argent.

— Mat, reprit M. Georges, tu as entendu ce que je disais tout à l’heure, et je crois savoir que tu m’approuves ? »

M. Bagnet, après avoir réfléchi un moment, se retourna vers sa femme.

« La vieille, dit-il, réponds à Georges, et donne-lui mon avis.

— Eh bien, non ! il ne vous approuve pas, s’écria mistress Bagnet qui avait tiré de son panier un morceau de petit salé, du thé, du sucre et du pain. Si vous croyez que vous sortirez d’affaire avec ces raisons-là… C’est à en devenir fou rien que de vous écouter ! Qu’est-ce que ça signifie, toutes ces délicatesses qui n’ont pas le sens commun ? Ce n’est rien que de la sottise.

— Ne me traitez pas trop durement ; pensez à mes malheurs, dit M. Georges d’un ton enjoué.

— Au diable vos malheurs, s’ils vous font déraisonner ! Je n’ai jamais de ma vie été aussi honteuse de ce qu’un homme a pu dire qu’en entendant les folies que vous venez de débiter. Des avocats ! et qui pourrait vous empêcher d’en prendre une douzaine, si le gentleman que voilà trouve que c’est nécessaire ?

— Vous parlez d’or, madame, dit mon tuteur, et vous le persuaderez, j’en suis sûr.

— Lui ? Ah ! monsieur, vous ne le connaissez pas. Tel qu’il est, poursuivit mistress Bagnet en levant son panier pour désigner M. Georges, c’est bien l’entêté le plus fini qui ait jamais vécu sous la calotte des cieux. Vous pourriez plutôt enlever sur votre épaule une pièce de quarante-huit que de lui ôter de la tête ce qu’il y a mis une bonne fois. Je le connais bien, allez. Oui, je vous connais, vieux Georges, depuis le temps que je vous vois ; il y a assez d’années, j’espère. »

Mistress Bagnet s’était tournée plusieurs fois de mon côté en disant ces paroles, et je comprenais, au jeu de ses paupières, qu’elle aurait désiré me voir faire quelque chose, sans que je pusse deviner ce qu’elle voulait.

« Mais il y a longtemps, continua-t-elle, que je ne vous dis plus rien, et quand les autres vous connaîtront comme moi, ils en feront tout autant et ne se mêleront plus de vos affaires… Êtes-vous aussi trop entêté pour manger un morceau ? reprit l’excellente femme en soufflant sur le petit salé pour en ôter un grain de poussière.