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le verrons bien un jour ; en attendant, prenez-moi tel que je suis et accordez-moi votre amitié. »

Ils se serrèrent la main cordialement.

« Quel bonheur de vous voir ! poursuivit Richard d’un ton joyeux ; figurez-vous que je n’ai vu personne que Vholes depuis que je suis ici. Mais permettez-moi, pour commencer notre traité, de vous faire une confidence sans laquelle vous ne me connaîtriez pas. Peut-être d’ailleurs le savez-vous ; j’aime Éva. »

M. Woodcourt répondit que je le lui avais fait entendre.

« Et n’allez pas croire à présent que je suis un affreux égoïste ; que je me casse la tête et me brise le cœur à propos de cette misérable affaire, en vue de mes seuls intérêts ; pas du tout, ceux d’Éva et les miens sont les mêmes. C’est pour elle comme pour moi que Vholes travaille. Vous sentez que je ne tiens pas à vous paraître plus mauvais que je ne le suis, votre affection m’est trop précieuse ; comprenez donc bien que j’ai besoin de voir rendre justice à Éva, et qu’en soutenant mes droits, ce sont les siens que je revendique. »

Plus tard, quand M. Woodcourt vint à réfléchir à ce qui s’était passé, il fut si vivement frappé de l’inquiétude qu’avait témoignée la physionomie de Richard en insistant sur cette communauté d’intérêts avec Éva, qu’en me rendant un compte général de sa première visite à Symond’s Inn, il appuya particulièrement sur ces détails. Son récit raviva les craintes que j’avais déjà depuis longtemps, que le petit patrimoine de ma chère fille ne fût absorbé par M. Vholes, et que Richard ne se montrât si jaloux des intérêts de sa cousine que pour se justifier à ses propres yeux d’être l’instrument de sa ruine.

C’était à l’époque où je soignais Caroline que cet entretien avait eu lieu, et je reprends mon récit à l’endroit où je l’ai laissé à la fin du chapitre précédent, le lendemain du jour où ma pauvre Éva n’avait pas osé me dire ce qu’elle avait sur le cœur. Trouvant donc à cette chère amie la même tristesse que la veille, je lui proposai d’aller faire une visite à Richard, et ne fus pas médiocrement surprise de l’hésitation qu’elle mit dans sa réponse.

« Vous n’avez rien eu avec lui pendant que j’étais absente ? lui demandai-je.

— Non, Esther. »

Pourquoi ces larmes sur son visage où rayonnait tant d’amour ?

« Préférez-vous que j’y aille toute seule ?

— Non, chère amie.