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dis simplement que je ne quitte pas mon cabinet. Ce pupitre, monsieur, est votre planche de salut. »

En disant ces mots, l’avoué frappe sur cette prétendue planche de salut, qui sonne creux comme un cercueil, mais dont le son mystérieux, moins funèbre pour le client, relève plutôt son courage.

« Je sais parfaitement, dit Richard, dont la mauvaise humeur a disparu, que vous êtes un homme sur lequel on peut compter, monsieur Vholes, et qu’avec vous il n’y a pas de danger qu’on fasse fausse route ; mais pensez à la position où je me trouve, mettez-vous à ma place, traînant une existence brisée et m’enfonçant chaque jour de plus en plus dans le bourbier où je me débats ; n’ayant un moment d’espoir que pour le perdre l’instant d’après, n’attendant rien du lendemain, qu’un mal plus grand que celui de la veille, et vous verrez la chose en noir, comme cela m’arrive quelquefois. »

— Vous savez que je n’aime pas à donner des espérances, répond M. Vholes, je vous l’ai dit tout d’abord ; surtout dans un procès comme celui-ci, dont la plupart des frais sont couverts par le revenu des biens en litige. Ce serait compromettre ma bonne réputation : on pourrait croire que c’est pour faire traîner les frais à mon profit. Mais enfin vous vous trompez, lorsque vous dites que les choses ne se sont point améliorées ; c’est un fait que je ne puis laisser passer sans contradiction, dans l’intérêt seul de la vérité.

— Comment cela ? demande Richard, dont le visage s’éclaircit.

— Vous avez maintenant, monsieur Carstone, un point d’appui…

— Cette planche de salut, monsieur ? interrompt le jeune homme, qui se rassure de plus en plus.

— D’abord : répond l’avoué en frappant de nouveau sur son pupitre, et c’est déjà quelque chose ; mais je voulais dire que vous avez pour point d’appui la position nettement dessinée que vous avez su prendre, en séparant vos intérêts de ceux de vos cohéritiers et en les confiant à un homme qui vous représente personnellement, ce qui est encore quelque chose. Nous ne laissons pas languir ce procès ; nous le tenons en haleine, et cette puissante impulsion est un nouveau progrès. Ce n’est plus seulement l’affaire Jarndyce dont elle porte le nom ; personne aujourd’hui ne peut plus, comme autrefois, s’approprier la cause, lui imprimer telle ou telle direction, suivant son bon plaisir, et c’est un bien grand pas