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l’anthropophagie, mais c’est faire mourir de faim M. Vholes et sa famille ! »

Bref, M. Vholes, avec ses trois filles et son vieux père, remplit les mêmes fonctions qu’une pièce de bois qui sert d’étai à quelque masure dont les fondations en ruine sont transformées en fondrière dangereuse sur la voie publique ; et la question n’est jamais de savoir si le changement à faire est juste ou non, relativement au bien général, qui n’est jamais en cause, mais s’il est avantageux ou nuisible à cette respectable confrérie de Vholes et consorts.

Dans quelques minutes, le chancelier quittera son siège, et les vacances seront ouvertes. M. Vholes et son jeune client sont rentrés à l’étude accompagnés de plusieurs sacs bleus bourrés à la hâte et déformés par les dossiers, qui en bossuent la toile comme des boas gorgés dont la proie a tuméfié la peau. M. Vholes, toujours impassible comme doit l’être un homme aussi éminemment respectable, se dépouille de ses gants noirs, ôte son chapeau et s’assied devant son pupitre. Le client jette sur le parquet son chapeau et ses gants, les pousse du pied sans regarder où ils vont, s’étend dans un fauteuil en laissant tomber un soupir qui équivaut à un gémissement, porte la main à sa tête brûlante et paraît désespéré.

« Rien de fait encore, dit-il, rien, jamais rien !

— Ne dites pas cela, monsieur, répond l’avoué ; ce n’est pas juste, monsieur Carstone.

— Et qu’a-t-on fait ? demande brusquement Richard.

— La question n’est pas là ; elle se divise en deux parties : ce qu’on a fait et ce qu’on est en train de faire.

— Et qu’est-ce qu’on est en train de faire ? » reprend Richard impatienté.

M. Vholes met ses bras sur son pupitre, rapproche les cinq doigts de sa main gauche, en fait autant de la main droite, frappe doucement les deux faisceaux par leur extrémité, regarde son client et répond :

« Beaucoup de choses, monsieur. Nous avons poussé à la roue et la roue s’est mise à tourner.

— Oui, en emportant Ixion. Comment vais-je faire pour attendre la fin de ces quatre mois de vacances ? dit le jeune homme en quittant son fauteuil et en marchant à grands pas.

— Monsieur Carstone, continue l’avoué en suivant Richard des yeux, vous êtes vif, et j’en suis fâché pour vous ; pardonnez-moi si je vous recommande d’être moins impétueux, moins ardent ; si je vous dis qu’il faut avoir de la patience, du calme…