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Il fut interrompu dans ses aveux par Richard, qui revenait tout rayonnant et qui se hâta de nous présenter M. Vholes : un grand maigre d’environ cinquante ans, aux épaules hautes et voûtées, au visage pâle couvert de boutons rouges, aux lèvres froides et pincées ; vêtu de noir des pieds à la tête, et boutonné jusqu’au menton ; ayant moins de vie qu’un automate et une certaine manière de fixer lentement ses yeux morts sur Richard comme s’il avait voulu le fasciner.

« J’espère, mesdames, que je ne vous dérange pas, dit-il d’une voix creuse et glacée. J’ai promis à M. Carstone de lui faire savoir toutes les fois que la chancellerie s’occuperait de son procès ; et n’ayant été informé qu’après le départ du courrier que l’affaire Jarndyce serait appelée demain à l’audience, j’ai pris la voiture ce matin pour en conférer avec lui.

— Ah ! dit Richard qui triomphait, c’est que nous ne traitons pas les affaires avec la lenteur qu’on y mettait jadis ; il faut que ça marche avec nous. Monsieur Vholes, je vais me procurer n’importe quel véhicule afin d’aller rejoindre la malle, que nous prendrons ce soir même.

— Comme vous voudrez, monsieur, lui répondit l’avoué ; je suis complétement à vos ordres.

— Voyons, dit Richard en regardant à sa montre ; nous avons une heure devant nous ; je puis donc aller à l’auberge, demander une chaise de poste ou un cabriolet, fermer mon portemanteau et revenir prendre le thé. Voulez-vous, chère cousine, et vous, Esther, vous charger de M. Vholes pendant quelques instants ? »

Il partit comme un trait, et disparut dans l’ombre qui commençait à se répandre.

« La présence de M. Carstone est-elle bien nécessaire à la Cour ? demandai-je à l’avoué.

— Elle est complétement inutile, » répondit M. Vholes.

Éva et moi nous exprimâmes tous nos regrets de le voir courir avec tant d’ardeur au-devant d’une déception.

« M. Carstone a établi en principe qu’il veillerait lui-même à ses propres intérêts, nous dit l’avoué ; or, toutes les fois qu’une règle nous est imposée par un client, et que cette règle n’a rien d’immoral en soi, je me fais un devoir de la suivre avec une exactitude scrupuleuse ; mon désir est, avant tout, de mettre de la franchise et de la régularité dans les affaires. Je suis veuf, j’ai trois filles, Emma, Jeanne et Caroline ; et je travaille à leur laisser un nom sans tache… Cet endroit paraît charmant, » poursuivit-il en s’adressant à moi. Je répondis par l’énumération des beautés du pays.